Anonyme [1650], REMONSTRANCES TRES-HVMBLES A LA REYNE MERE REGENTE EN FRANCE. POVR LA CONSERVATION DE l’Estat, pendant la minorité du Roy son Fils. , françaisRéférence RIM : M0_3343. Cote locale : B_4_24.
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L’vnion est vostre force, la diuision vostre foiblesse, l’vnion
maintient & conserue les Estats en leur grandeur, la
diuision les sappe, ruine & destruict de fonds on comble,
sans esperance de se pouuoir releuer. Ce Roy, d’Egipte voulant
enseigner à ses enfãs la force de l’vnion & la foiblesse de
la discorde, leur representa vne trousse de floches qu’ils ne
peurent rompre jointes ensemble & separées il ne leur fut
rien plus aise. Cét Estat est ny plus ny moins que le corps
humain, lequel par l’accord & harmonie des quatre humeurs
vit longuement. Mais aussi-tost que l’vne de ces qualitez
veut enjamber sur l’autre, le corps tombe dans les maladies,
& de là s’en vn à la mort. Ainsi est-il de cét Estat, si
par vostre prudence & sagesse, vous ramenez grands & petits
en vne mesme volonté, mesme intentions & mesme desir,
de maintenir l’Estat sous l’obeissance du Roy : vous le
rendrez la frayeur & terreur de ses ennemis. Mais si les parties
dn corps viennent à se demembrer, que cette par faicte
vnion, & corespondance de tous les membres ne subsiste
par vn mutuel entretenement, la corruption & desolation
de l’Estat s’ensuiura.

Pour entretenir l’vnion, faites que les Princes, & grands
Seigneurs, soient honorez & appellez au Conseil des affaires
qui regardent l’Estat, & que plus ils tirent leurs extractions
de grand lieu, plus aussi qu’en memoire de leurs
ancestres, & de leur vertu ils ayent presence & prerogatiue :
& des glus grands allez à ceux qui tiennent les seconds
& troisiesmes rangs, & puis descendez iusques aux
moindres, & ainsi gratiffiez chacun selon son merite, des
charges & dignitez du Royaume. C’est vn des principaux
remedes de la manutention de cét Estat. Il est vray qu’en la
distribution des charges, il ne faut point que les flatteries,
les faux rapports, & les enuies tiennent aucun lieu, de
crainte qu’elles ne vous facent paroistre la chose toute autre
qu’elle n’est. Le meilleur & plus salutaire aduis, vous
viendra de la voix commune du peuple. C’est dit-on, la
voix de Dieu de laquelle vous deuez prendre plus d’instruction



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