Anonyme [1649], REFLEXIONS CHRESTIENNES, MORALES ET POLITIQVES, DE L’HERMITE DV MONT VALERIEN, Sur toutes les Pieces volentes de ce temps. OV IVGEMENT CRITIQVE, Donné contre ce nombre infiny de Libelles diffamatoires, qui ont esté faits depuis le commencement des Troubles, iusques à present. Par des personnes Quid detur tibi, aut quid apponatur tibi, ad linguam dolosam? Psalm. 119. , français, latinRéférence RIM : M0_3060. Cote locale : C_9_17.
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que celle de faire mettre en lumiere, vn tas de médisances
pendant leur vie, sous esperance de renaistre apres
leur mort, encore vne fois, dans la memoire de ceux qui
viendront apres nous, pour lire leurs ouurages ? Y a-t-il
vanité plus extraordinaire, que celle de fonder sa plus
grande gloire sur vn peu de bruit, & sur le iugement de
certains esprits, qui bien souuent ne connoissent rien du
tout, en la chose dont ils se rendent les arbitres ? Y a-t-il
vanité plus insupportable, que celle d’hasarder sa reputation,
sa vie, & son salut, pour ne se repaistre que d’vn peu
de vent, ou que d’vn peu de fumée ? En effet, plus ie considere
des actions d’vne nature si extrauagante, & plus ie
me trouue empesché à deuiner quel biais ie dois prendre,
pour les iuger selon l’enormité de leur crime. Certes, aspirer
aux moyens d’eterniser leur nom, & pretendre de
s’acquerir vn estat immortel par des voyes si abominables,
sont des vanitez qui n’en eurent iamais de pareilles. En vn
mot, ne vouloir faire qu’vn sacrifice du plus beau de sa renommée,
à ce qui peut rester de nous apres nostre mort,
par des moyens si outrageux, est vne vanité qui surpasse
toutes les plus prodigieuses vanitez de la terre. Si composer
vn nombre infiny de Libelles diffamatoires contre son
prochain, est vne marque de bon esprit, ie m’abuse bien en
mon calcul, & Paris se peut dire sans pair en cela, aussi bien
que sans exemple en beaucoup d’autres choses ? Ce n’est
pourtant pas, si ie ne me trompe, ny ce que Dieu desire de
nous, ny ce que les Sages nous apprennent. Cet adorable
Souuerain Seigneur du Ciel & de la Terre, voulut que Marie
fut frapée de ladrerie pour auoir mal parlé de Moyse :
qu’Aaron fust repris d’auoir mesdit de ce diuin Legislateur :
& que l’Escriture saincte apprit vniuersellement à tous les
hommes, que celuy qui detracteroit de son prochain, &
qui n’adiousteroit pas foy à ses paroles, fust plus griefuement
puny que tous les Sodomites ensembles.

 

Num. 12. 10

Heb. 4.
Heb. 2.
Matth. 10.

Les Medecins & les Naturalistes iugent de la santé ou
de la maladie de la personne, par sa langue : & nos paroles
sont les vrais indices des qualitez de nos ames. Par tes paroles
tu seras iustifié, & par tes paroles tu receuras vne condamnation



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