Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.
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à venir la corde au col demander pardon, puis qu’ils n’on point offencé,
& soyez tres assurée que si le respect ne les releuoit, & qu’il ne vous considerassent
comme la Mere de leur Roy, ayant beaucoup plus de forces que
vous, ils pourroient vous faire repentir tout à loisir de ce que vous auez
entrepris auec trop de temerité, de promptitude, & d’inconsideration. Et
craignez enfin que Dieu ne se serue de tous ces troubles pour vous punir
dés icy bas, des crimes & des offences qui se sont commises contre luy sous
vostre authorité. La Reyne parut fort surprise de voir que tout ce qu’elle
auoit dit, auoit esté refuté si justement, mais elle le fust encore dauantage
lors que la Figure du Roy luy dit,

 

MADAME, tout ce que vous auiez mis en auant, ayant esté mis au neant
par des raisons si viues & si pressantes, vous ne deuez point tarder à vous
recognoistre, ny à faire cesser tous les troubles qui causent vne consternation
si generale par toute la France. Ie croyois vous auoir obligation, des
soings que vous vouliez prendre, de conseruer mon authorité, que vous me
persuadiez facilement estre lezée par les assemblées du Parlement & des
autres Cours souueraines pour s’opposer aux mauuaises volontes du Cardinal
Mazarin. Mais au contraire, ie voy que vous m’auez voulu tres-sensiblement
desobliger en m’esleuant dans la pensée, que les Roys doiuent
estre tyrans, & non pas raisonnables, & me faisant conceuoir vne haine
contre tous mes Sujets, que ie n’ay iamais pû croire auoir de mauuaises volontez
pour moy. Combien de fois vous ay-ie dit depuis que nous sommes
hors Paris, que i’y voulois retourner, & que i’estois bien assuré, quoy que
vous me dissiez, que l’on vouloit attenter à ma persone, que par tout l’on
crieroit viue le Roy. Vous auez refusé d’entendre les Gens du Roy de mon
Parlement de Paris, lors qu’ils sont venus vous faire leurs tres-humbles
Remonstrances : Et vous n’auez pas voulu seulement permettre que ie les
visse. Lors que l’Archeuesque de Thoulouze est venu icy vous dire, qu’en
conscience vous estiez obligée à entendre à vn accommodement : vous luy
auez respondu que vous estiez toute prestre d’y entendre, mais que vous
vouliez maintenir l’authorité Royale ; Mais il se trouue que cette authorité
que vous voules m’attribuer, n’est autre qu’vne tyrannie tres-injuste ; &
qu’au lieu du nom de Roy, vous voules me qualifier du nom de Tyran.

I’ay sujet de suiure les mouuemes que i’ay receus du discours du Roy,
mon tres-honoré Seigneur & Pere, & vous asseurer que lors que ie seray
hors de la minorité, i’espere que le bon Dieu me donnera du monde aupres
de moy, qui me fera voit clairement la verité, ie vous feray rendre
compte en plein Parlement, de vostre Regence, & de l’administration de
mon Royaume, & sera tres iuste que ceux qui vous on receuë pour Regente,
examinent de quelle façon vous vous estes comportée dans le Gouuernement
de l’Estat. I’ay toujours remarqué toutes les fois que i’ay tenu
seance en mon Parlement, que chacun me portoit fort grand respect, &
que si quelques vns tesmoignoient du mescontentement, ce n’estoit pas de
me voir, mais à cause du sujet pour lequel i’y allois, qui a tousiours esté
pour augmenter les subsides, & les imposts, & surcharger mes Sujets,



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