Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.
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son lustre, son plus belle ornement de dependre, mais de la raison, de l’equité
& de la Iustice, & dés lors qu’elle se dispense, elle entre dans la tyrannie
qui est autant detestable, que l’autre est à venerer. Vous dites que
vostre Cardinal Mazarin, est extremement amateur de cette authorité que
vous voulez garder inuiolable, & par ce que i’ay dict vous pouuez voir
qu’il affecte la tirannie : vous treuués bon qu’il aye treuué des inuentions
inouyes, pour leuer des nombres immenses de millions, & ne considerez
pas qu’il a ruyné vostre Estat, puis qu’il a ruiné tout vostre peuple. Que
fera le Roy, lors qu’estant Majeur il voudra entreprendre quelque chose ?
Les domaines sont engagez, toutes les forests venduës, les villages abandonnez,
les terres desertes, les villes, n’ont que peu d’habitans qui portent
tous la viue image de la mort. Sera-ce pour lors le Cardinal Mazarin
qui suscitera de nouueaux moyens de l’aider, comme le pourroit faire ce
Peuple qu’il a pillé auec tant d’effronterie ? Les biens des peuples ne sont
pas en la possession de Roys, comme on vous le fait croire, les Roys leur
sont donnez de Dieu pour maintenir tous leurs Sujets en paix, & en la possession
legitime de leurs biens. Ce qui se voit plus clair que le iour, par
cette maxime, que les Roys ne sont que pour les peuples, mais il ne se peut
pas dire que les peuples soient pour les Roys. Et ce dont vous estes le plus
à blasmer, c’est de mespriser vn de vos Parlemens, le plus celebre & le plus
auguste Corps des Officiers de France, duquel vous auez osé en faire emprisonner
quelques vns des plus gens de bien que vous appellez de Belles
gens. Vous voulez dire que vous maintenez l’authorite Royale, &
vous la rauallez au plus bas, en la mesprisant dans ceux qui la rehaussent &
que vous opprimez. Vous les appellez Rebelles, en ce qu’ils sont fideles
à leur Roy ; & desobeissans, parce qu’ils veulent maintenir son bien & son
plus bel apennage, qui est la Iustice ; Vous armez contre eux, & les force :
que vous deuriez tourner contre l’Ennemy commun de l’Estat, vous les
tournez contre vous mesme en les tournant contre le seruice du Roy, en
donnant toutes nos Conquestes & toutes les Frontieres en proye aux Ennemis,
comme si l’on estoit auec eux d’intelligence. Dauantage, quand bien
cela ne seroit pas, que quelques-vns du Parlement auroïent choqué l’authorite
Royale. Pourquoy faut-il que deux cens mille innocens, voire toute
la France souffre pour des particuliers ? Et vous dites que vous auez les
consentemens de mon frere le Duc d’Orleans, ou plutost celuy de son valet,
celuy de mon Cousin le Prince de Condé, mais songez, c’est vn jeune
homme que le feu de son courage emporte sans le laisser considerer assez
attentiuement l’importance de ce qu’il entreprend. Ainsi vous voyez que
tout ce que vous pouuez dire, est inutile Pour moy, ie vous demanderay
conte deuant le Tribunal de la Iustice de Dieu, de tous les Sujets dont ie
vous ay laissé la Regence. Et peut-estre que le Roy vostre Fils, & le mien,
lors qu’il sera en majorité, vous fera rendre compte de ce que vous faite aujourd’huy
à nos despens & à nostre confusion. Ne flattez donc pas ce dessein
que vous auez, de vous vanger, de l’esperance que vous auez que le
Prince de Condé reduira bien-tost tous les habitans de cette grande ville


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