Anonyme [1649], RECIT VERITABLE DES DISCOVRS tenus entre les trois Figures qui sont sur le Pont au Change, sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_3030. Cote locale : C_9_13.
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laisser aussi vn semblable Cardinal, qui regit le timon de l’Estat, puisque
vous-mesmes vous ne m’auiez pas trouué capable de le faire toute seule.
Il pensoit à ma conseruation, & moy ie trauaille à la sienne, voyant assez que
i’auois besoin de luy. Le Duc de Beaufort entra en jalousie de voir que i’estimois
ce Cardinal, & ayant conspiré sa ruïne, ie fus obligée de le faire arrester,
pour garentir celuy que j’aimois : & de faire retirer ceux qui estoient
de son intrigue. Qui peut dire qu’il y ait jamais eu Ministre d’Estat qui aie
trouué plus de moyens de leuer de l’argent dans la France, que luy ? A-t’il
laissé quelque inuention dont il ne se soit pas seruy pour trouuer dequoy
maintenir l’authorité du Roy ? Où voit-on que les reuenus du Roy de
France, d’vne seule année se soient montez à cent & trente millions, comme
il a fait monter ? apres quoy, ie croy n’auoir pas beaucoup dequoy me iustifier
de ce que quelques petits ie ne sçay qui du Parlement, s’estant opposez
directement à l’authorité absoluë du Roy, ont tasché par toutes sortes
de moyens, de trauerser les bons desseins du Cardinal Mazarin, qui sans leur
entreprise auroit encor leué cette année plus de dix millions par des
moyens tous nouueaux. Ie fus obligée pour maintenir cette authorité independante,
du Roy, d’en faire arrester quelques vns : Et le Peuple ayant
esté assez insolent pour prendre les armes à cause de deux que l’on auoit
fait arrester, Ie leur rendis, voyant bien que ie n’estois pas la plus forte,
auec resolution de n’en pas demeurer là : quelque temps apres i’emmené le
Roy hors Paris, pour leur faire peur, ie fis approcher les troupes. Enfin à la
sollicitation de son Altesse Royale ie leur laissé faire vne Declaration telle
qu’ils voulurent ; ayant bien dessein de n’en rien faire executer : mais si tost
que la paix seroit faite en Allemagne, de faire venir toutes ces Belles gens-la
à la raison. C’est ce que i’ay fait du conseil & de l’aduis de mon frere le
Duc d’Orleans, & de mon Cousin le Prince de Condé, lequel a entrepris
luy-mesme par les trauaux continuels qu’il prent, de les faire venir la corde
au col demãder pardon : ce que ie ne tarderay plus guere à faire executer.

 

A peine auoit elle acheué ces dernieres parolles, que la figure du feu
Roy reprit en ces termes.

En fin, Madame, vous estes extremement zelée pour l’authorité Royale,
mais plustost pour la tyrannie, que vous honorez de ce beau nom.
Sçauez vous que c’est deffigurer l’Image de la diuinité, que de ternir ainsi
ceste belle authorité du Roy, qui est sa viue image ? L’on voit icy que les
Estats Monarchiques sont plus recommandables que les autres, parce
qu’ils approchent le plus de la diuinité, qui estant le principe de toute
chose, il en est aussi la fin ; Les Roys aussi à l’imitation, & exemple de leur
Createur, doiuent estre le principe de toutes les bonnes actions, qui se
doiuent, & peuuent faire, en doiuent aussi estre la fin, puisque le tout retombe
à leur gloire & à leur honneur, qui sera d’autant plus multiplié
qu’ils auront pris de peine à faire leur deuoir, & à satisfaire à ce, à quoy ils
sont obligez par la toute puissante main de Dieu. L’Authorité des Roys
n’est [illisible] qu’elle consiste dans vne independance telle
[1 ligne ill.]



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