Anonyme [1649], RAISONNEMENT SVR LES AFFAIRES PRESENTES, & leur comparaison auec celles d’Angleterre. , françaisRéférence RIM : M0_2970. Cote locale : A_8_29.
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La premiere chose que le Roy d’Angleterre fit à l’ouuerture du
Parlement, fust d’oster tous les imposts ; Ceux de Sainct Germain ne
s’opiniastrent que pour en augmenter le nombre. Le Roy d’Angleterre
consentit à la mort du Milord Strafford son premier Ministre ; Ceux
de Sainct Germain ne veulent pas seulement consentir à la retraitte du
Cardinal Mazarin, tout chargé qu’il est de nos despoüilles, & aussi
criminel que le Milord Strafford estoit innocent. Ce Prince auoit
tout le Clergé de l’Eglise Anglicane de son party ; Ceux-cy ont si fort
scandalisé l’Eglise par leur sacrilege en l’enleuement de la personne sacrée
du Roy, & par leurs autres impietez, qu’ils obligent mesme les
Prelats à prendre les armes contre eux. Ce Prince auoit le party Catholique
de son costé ; Ceux-cy n’ont pas seulement les Religionaires
de France, tant leur tyrannie a esté generale. Toute la Noblesse
Angloise s’est immolée pour son Roy, toute la Noblesse Françoise
veut immoler vn veau d’or à la Iustice des Loix, & au ressentiment
des iniures qu’elle a reçeuë. Et pour tout dire, la cause du Roy d’Angleterre
estoit juste, & celle de Sainct Germain est la plus iniuste qui
fut iamais. Mais ce qu’il y a de plus conforme entre ces deux Partis, est
que le Roy d’Angleterre a esté trahy par ses plus proches confidents,
& que la Reyne & les Princes de Sainct Germain sont trahis par le
plus grand ennemy de l’Estat, en qui toutesfois ils ont le plus de confiance.

Le Roy d’Angleterre n’auroit pas pery auec tous ces aduantages, si
le peuple de Londres n’eust secouru le Parlement d’vn zele & d’vn
courage extraordinaire, & que ie n’apperçois point dans nos Parisiens ;
quoy qu’ils en ayent beaucoup plus de sujet & de besoin. L’on
n’a pas si-tost persuadé à ce peuple, que l’on veut introduire la mode
de France, pour vser de leurs termes, c’est à dire donner à des Ministres
insolens le pouuoir de tout faire & de tout rauir, que voila toute
la ville de Londres, non pas dans les pleintes, mais dans les menaces ;
Ce n’est pas le desespoir, où la misere porte les hommes, qui les
pousse dans cette extremité, puisque ce peuple joüissoit d’vne abondance
& d’vne liberté parfaite : La seule crainte du mal & l’exemple
de la France, dont ils entendent les gemissements, plus aigus que ceux
de la mer qui les separe de nous, les porte à cette violente precaution.
N’est-ce pas que la longueur de nos maux nous y a endurcis, & qu’il
nous est arriué comme à ces vieux galeriens, qu’on ne sçauroit faire
sortir des galeres, à cause de l’habitude qu’ils y ont prise. Vne tyrannie
de quarante ans ne nous anime pas, & la seule image de nos maux
fait horreur au peuple de Londres. Le Parlement arme, il emprisonne,
il couppe des testes, & pour comble du malheur du party Royaliste,
les mauuais confidents du Roy le font sortir de Londres, afin de
rompre la chaisne qui l’vnissoit à son peuple, pour renuerser tout l’ordre
& la felicité de l’Estat ; Les Bourgeois de leur costé assistent le Parlement



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