Anonyme [1649], RAISONNEMENT SVR LES AFFAIRES PRESENTES, & leur comparaison auec celles d’Angleterre. , françaisRéférence RIM : M0_2970. Cote locale : A_8_29.
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RAISONNEMENT SVR
les affaires presentes, & leur comparaison
auec celles d’Angleterre.

IL y a trois choses à remarquer dans vne querelle, Le
sujet, la decision, & l’issuë. L’on peche dans le sujet,
lors qu’on se picque trop legerement, & qu’on prend
les choses du biais qu’on ne deuroit pas. L’on peche
dans la decision par trop de presomption de ses forces,
ou par sa mauuaise conduite : Et I’issuë donne souuent
de cuisants repentirs faute de l’auoir bien preueuë. Voyons lequel
des deux Partys pechera dans ces trois circonstances, en la funeste
querelle qui s’allume au cœur de cét Estat.

Il me semble que les Princes du Party de Saint Germain se trompent
dans le sujet de la querelle, ou plustost que leurs Ministres les trompent,
voulant faire passer dans leur esprit, pour vne querelle d’honneur,
vne querelle d’auarice, & leur propre conseruation pour celle
de l’authorité Royale, comme si l’indigne tracas des Finances, & la
liberté d’escorcher le peuple estoient vn des joyaux de la Couronne,
& que l’auguste blancheur de nos Lys consistast dans la plus noire pratique
& le plus insolent brigandage qui se commist jamais. Messieurs
du Parlement se pourroient bien aussi tromper dans le sujet de la querelle,
croyant qu’on en veut à leurs libertez & à leurs testes, là où
on n’en veut qu’à la bourse des pauures François.

Dans la decision de la querelle, le Party de Sainct Germain se pourroit
bien encore tromper, par vne vaine presomption de forces & de
courage, parce que la cause du party du Parlement estant generale, &
que le feu estant allumé au gros de l’arbre, il gagnera facilement les
branches, qui sont d’autant plus combustibles, qu’elles ne sont couuertes
que de feüilles, ie veux dire si pauures, que la crainte de se ruiner,
ne les empeschera pas d’en venir aux extremitez. Ce qui se peut
facilement iuger par la decision des affaires d’Angleterre, où le Roy
n’a pas laissé de tomber, quoy qu’il eust de tres-grands aduantages,
que le Party de Sainct Germain n’a pas.



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