Anonyme [1649], RAISONNEMENT SVR LES AFFAIRES PRESENTES, & leur comparaison auec celles d’Angleterre. , françaisRéférence RIM : M0_2970. Cote locale : A_8_29.
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de tout leur pouuoir, ils gardent Westminster, qui est comme
nostre Palais, & les aduenuës de la Ville, où les femmes mesme trauaillent
à quelque legeres fortifications. Leur zele ne tient pas seulement
au fonds du cœur, mais il va penetrer iusques au fonds des
bourses : on ne taxe personne, il suffit qu’il y ait vne place publique où
chacun porte son argent ou sa vaisselle, où les femmes les plus riches
portent leurs joyaux, & les mediocres leurs demiceints & leurs aiguilles
de teste ; c’est vne chose que ceux qui ont la moindre habitude auec
les Anglois peuuent sçauoir. Il est bien vray qu’on tenoit compte de
tout ce qu’on receuoit, & qu’on enregistroit le nom des personnes,
auec promesse du Parlement & de tous les corps de l’Estat, de restituer
le tout apres les guerres. Les plus aisez acheptoient les reuenus
des Euesques, qui n’estoient pas encore en la possession du Parlement,
& les terres du Royaume d’Irlande, quand il seroit reduit sous leur
obeïssance.

 

Ce zele ne se limite pas à l’enceinte de leurs murailles, ils leuent vne
puissante armée d’habitans de Londres pour aller au deuant de leurs
ennemis, & presentent bataille à l’armée Royale presque toute cõposée
de Noblesse. Ils combattent courageusement, & la seule Caualerie
prẽd la fuite plustost par la timidité de leurs cheuaux, que de leurs hommes.
Cependant l’Infanterie soustient iusques à la nuict sans que la victoire
se declare, ny pour vn party ny pour l’autre. Leur ardeur ne s’est
point ralentie l’espace de sept à huict ans, ils ont tousiours contribué
gayemẽt aux frais de la guerre ; & lors qu’il a fallu marcher en cãpagne,
ils s’y sont portez comme des soldats les plus aguerris, tesmoin le siege
de Glocester, où se fit l’vne des belles actions qui ait signalé les troubles
d’Angleterre. Le Roy ayant deffait toutes les troupes du Parlement,
assiege la ville de Glocester à cinquante lieuës de Londres ou enuiron ;
Le Parlement n’ayant pas les moyens ny le temps de leuer vne
armée, propose aux Bourgeois de se mettre en campagne, ils y consentent
gayement, & sans s’arrester aux larmes de leurs femmes & de
leurs enfans, marchent vers Glocester, où ils ne sont pas encore arriuez,
que le Roy leur vient au deuant pour les combatre, ils se retirent,
le Roy les poursuit, ils marchent de nuict & le iour campent en des
lieux aduantageux, enfin le Roy les attaque, il y perd beaucoup de
monde sans les pouuoir forcer, & la ville de Glocester cependant est
rauitaillée, & le Roy contraint de prendre d’autre brisées.

Ce zele du Bourgeois de Londres, & la bonne discipline que le
Parlement a fait exercer dans ses armées, en payant bien les soldats,
& empeschant toute sorte de violence, a fait enfin triompher ce foible
party, dont la cause estoit iniuste & le but Tyrannique, puis qu’ils ont
renuersé la Religion de l’Estat, persecuté cruellement les Catholiques,
& changé la Monarchie en vn Gouuernement monstrueux : aussi
n’ont ils pas joüy du fruict de leur victoire, & Dieu a permis que leurs



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