Anonyme [1649], QVESTIONS EN FORME DE DIALOGVE, Du Conseil de Conscience, au Conseil d’Estat. Auec les Responses. , françaisRéférence RIM : M0_2952. Cote locale : C_6_78.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 6 --

aux interests de son Prince, ie ne croy pas qu’il soit licite
d’en attendre d’ailleurs, ny d’esperer qu’il puisse viure
parmy ses subiets, dans vne par faite asseurance. Les tygres,
les pantheres, les ours seroient en ce cas-là beaucoup plus
excellens, & plus nobles que nous ne sommes pas. Et le
Ciel leur auroit communiquez des sentimens, ou pour
mieux dire, des vertus dont toute la nature humaine seroit
incapable. Nous voyons apparemment que ces animaux
quelques irraisonnables qu’ils puissent estre se piquent d’amour,
& de fidelité enuers ceux qui les ont obligez, & qui
leur ont rendu quelque seruice. Androde serf Dacien, s’estant
retiré dans vn desert pour éuiter la fureur de son Maistre,
se mit si bien dans les bonnes graces d’vn lyon aussi
prodigieux que redoutable, qu’à quelque temps de la, ayant
esté repris, puis exposé à la mercy de ces bestes feroces, où
ce mesme animal auoit esté mis, il en fut tellement secouru,
que ce monstre (pour n’estre pas ingrat aux seruices
qu’il luy auoit pû rendre) le preserua miraculeusement de
la rage & de la fureur des autres animaux qui s’eslançoient
sur luy pour le deuorer, & parce moyen, ce pauure criminel
trouua son salut au mesme lieu où son destin l’auoit asseuré
de sa perte. Il n’est pas croyable que les Fauoris des
Princes fussent plus mesconnoissans que ces miserables
brutes, ou que ces peuples irraisonnables. Le Prince n’a
pas si peu d’esprit de porter ses inclinations sur des obiets
vicieux & imparfaits, ny de communiquer ses liberalitez à
la mesme ingratitude. La crainte de Dieu les rend bien-heureux,
& son adorable Maiesté ne s’oublie iamais de
donner vn sainct mouuement à toutes leurs inclinations, &
de presider en l’election qu’ils doiuent faire d’vn parfait
Ministre d’Estat, & d’vn genereux confident de leurs plus
secretes pensées. C’est pourquoy ils ne sçauroient faillir de
s’en reposer sur la foy, sur la vigilance, & sur la probité des
Fauoris que le Ciel leur choisit pour le bien de l’Estat, &
pour le soulagement de leurs peuples.

 



page précédent(e)

page suivant(e)