Anonyme [1649], QVESTION, SI LA VOIX DV PEVPLE EST LA VOIX DE DIEV ? , français, latinRéférence RIM : M0_2951. Cote locale : A_7_14.
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C’est là le veritable sens du passage de Daniel, qui a donné
lieu à ce prouerbe. Où ce Prophete racontant vne de ses visions
miraculeuses, apres auoit fait vne peinture surprenante
de l’homme diuin qui luy estoit apparu : apres auoir dit que sa
face estoit resplendissante comme vn esclair ; que son œil estoit vne
lampe estincellante ; ses bras & ses iambes, de l’airain enflammé ;
il finit en disant quesa voix ou son discours estoit la voix de la
multitude.

Et ecce vir
vnus vestitus
lineis, & renes
eius accincti
auro
obtizo, &
corpus eius
quasi chrysolitus,
& facies
eius velut
species fulgutis,
& oculi
eius vt lãpas
ardens : brachia
eius, &
quæ deorsum
sunt vsque ad
pedes quasi
species æris
candentis, &
vox sermonũ
eius quasi vox
multitudinis.
Dan. cap. 10.

C’est vne façon de parler ordinaire aux Prophetes, lors
qu’ils veulent reprensenter cette voix terrible, qui tonne si fortement ;
cette voix, qui brise les cedres les plus éleuez ; cette voix du
Dieu des armées qui fait trembler la terre. Et la vision d’Ezechiel
tesmoigne bien clairement que c’est ainsi que celle de Daniel
doit estre entenduë : car apres en auoir fait vne description
quasi semblable, il dit qu’il entẽdoit le bruit des aisles qui estoiẽt
au dessous du firmament, comme le bruit d’vn grand amas d’eau,
comme le bruit du Tres-haut, comme le bruit de la multitude, comme le
bruit d’vne armée. C’est ce que veut dire le mesme Prophete,
lors que parlant de la gloire de Dieu, il luy attribuë vne voix
semblable à vn amas d’eau : & S. Iean dans son Apocalypse
lors qu’il dit qu’il a ouy vne voix du Ciel semblable à la voix de
beaucoup d’eau, & comme la voix d’vn grand tonnerre. Ce que S.
Hierosme en ses commentaires sur Ezechiel remarque estre la
mesme chose que la voix de la multitude : pource que dans
l’Apocalypse il est dit, que les eaux signifient les peuples, conformement
à la comparaison qu’en fait Isaye : Malheur à toy, dit-il,
multitude de peuple semblable à la mer, tes émotions ressemblent à celles
des flots, & tes cris seditieux au bruit d’vn torrent qui inonde vne
campagne. Ce qui est si naturellement semblable, que le a Poëte
mesme s’en sert de l’autre costé, comparant l’agitation de la
mer à l’émotion d’vn peuple.

Tonabit voce
sua mirabiliter.
Iob 37.
Vox Domini
confringentis
cedros, vox
Domini concutientis
desertum.
Psal.
28. Altissimus
dedit vocem
suam…
commota est,
& contremuit
terra. Psal 17.
& Psal. 45.
Et audiebam
sonũ alarum, quasi sonum aquarum multarum, quasi sonum sublimis Dei, quum ambularent quasi sonus
erat multitudinis, vt sonus castrorum. Ezech. cap. 1. v. 24. Et vox erat ei quasi aquarum multarum.
Ezech. 43 Et audiui vocem aquarum multarum, & tanquam vocem tonitrui magni, Apocal.
14. Aquæ, quas vidisti, … populi sunt, & gentes, & linguæ. Apocal. 17 Væ
multitudini populorum multorum, vt multitudo maris sonantis ; & tumultus turbarum sicut sonitus
aquarum multarum sonabunt populi, sicut sonitus aquarum multarum. Isaiæ 17. a Virgil. 1. Æneid.

Et certainement ce seroit faire vne iniure à la Sagesse Eternelle,
que de luy attribuer des sentimens qu’on ne veut pas



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