Anonyme [1649], QVESTION, SI LA VOIX DV PEVPLE EST LA VOIX DE DIEV ? , français, latinRéférence RIM : M0_2951. Cote locale : A_7_14.
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Cesar mit à bout ce que les autres auoient commencé, & changea
le gouuernement de la Republique, dont il se fit le Tyran.
Ils se plaignoient pourtant tous de la tyrannie des nobles &
des riches, qui est ordinairement le sujet des plaintes du peuple,
qui crie souuent contre son Roy legitime, comme contre
vn tyran ; ne voyant pas que ce sont deux qualitez incompatibles :
pource que quelque absoluë que soit la Monarchie,
pourueu qu’elle soit establie dans vn pays par le consentement
des peuples, & par vne longue suite de temps, ce ne sçauroit
estre tyrannie. C’est le raisonnement du Philosophe qui dit,
Qu’il y a vne sorte de Monarchie, comme celles qui sont parmy les
barbares, où le Roy a vne authorité approchante de celle de la tyrannie,
encore qu’elle soit legitime & dans l’ordre, & selon les loix du pays.
Et vn peu apres il remarque, que cette domination des barbares est
ordinairement hereditaire, & selon les loix : C’est à dire qu’elle n’est
pas pour cela tyrannique. Car les Tyrans, dit ailleurs Aristote,
sont ceux qui commandent sans le consentement des peuples, encore
qu’ils prennent leur origine du party du peuple contre les grands, &
que les Tyrans se facent des fauteurs des peuples qui acquierent du
credit parmy eux, en calomniant les grands contre lesquels ils promettent
de les defendre ; au lieu que le Roy se fait du parti des nobles, ou
pour ses grandes vertus, & ses belles actions ; ou pour celles de ses ancestres
dont il herite la Couronne.

 

[illisibles]
Arist. 3. Pol.
14.

[illisibles]
5. Polit, cap 10.
Quare tu enarras iustitias meas ? assumis nomen meum per os tuum ? Tu verò odisti disciplinam, &
projecisti sermones meos. Psal. 49. Eccles. 4.

Qui voudra faire l’application de ces histoires & de ces
passages à l’histoire de nostre temps, trouuera bien tost quels
ont esté les Gracques, & quels ont esté les Tyrans. Et le Roy
leur pourroit bien dire iustement ce que Dieu dit au pecheur :
Pourquoy faites-vous tant de bruit de ma iustice ? & pourquoy auez-vous
tousiours mon nom dans vostre bouche, pendant que vous sortez
de vostre deuoir, & que vous mesprisez mes paroles ? L’obeyssance
auroit mieux valu que ce grand sacrifice que vous pensiez
faire de vous-mesme à vostre patrie. En effect voyons-nous
qu’elle en ayt profité ? Les émotions populaires (comme on a
dit il y a long temps) sont des remedes pires mille fois que les
maux qu’elles veulent guarir, & ne font que desoler les Estats



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