Anonyme [1649], QVESTION, SI LA VOIX DV PEVPLE EST LA VOIX DE DIEV ? , français, latinRéférence RIM : M0_2951. Cote locale : A_7_14.
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mesme que la sagesse du monde suiue : & mettre Dieu du parti
des sots, & des meschans, dont constamment le nombre est le
plus grãd, & qui par cõsequẽt font ce qu’on appelle le peuple.

 

Stultotũ infinitus
est numerus.
Eccl.
1.

Ainsi la voix sacrilege de ce peuple barbare qui vient de
foüiller ses mains dans le sang de la personne sacrée de son
Roy, deuroit estre la voix de Dieu : qui defend au contraire
de toucher à ses oingts, & qui ne peut considerer d’autre voix
dans ce parrici de execrable, que celle de ce sang innocent qui
crie à luy de la terre.

Nolite tangere
Christos
meos. Psalm.
104.

Cette reuolte generale des subjets contre les Souuerains qui
s’est veuë en nos iours non seulement en Angleterre, mais en
Espagne, en Pologne, en Moscouie, en Turquie, & dans nostre
pauure France aussi ; monstre bien que c’est le doigt du
Seigneur, & cette main pesante de Dieu, dont il est si souuent
parlé dans l’Escriture : mais gardons-nous bien de dire que ce
soit sa voix, si ce n’est cette voix de fleau & de cholere, dont vn
Prophete menace la ville de Niniue.

Digitus Dei
est hicExod.
8.

Facta est manus
Domini,
aggrauata est
manus Domini.
Ruth. I.
Reg. I. & alibi.

Cela peut faire penser que les Princes ont gasté pour la pluspart
ce caractere de la Diuinité, qui rendoit leur front majestueux,
& terrible ; & que les peuples n’y voyant point la iustice
& la bonté de Dieu, ayent mécogneu en eux l’authorité &
la puissance, qui estoient, peut-estre, les seuls traicts qui leur
en estoient demeurez ; & qu’ainsi la desobeyssance des peuples
aux loix du Prince, soit quelquefois vne punition de la
desobeyssance du Prince aux loix de Dieu. Mais cela ne peut
pas faire que l’action des peuples ne soit criminelle : & c’est ce
qui fait la difference des crimes des Princes auec ceux des
particuliers ; que punir les crimes des particuliers, ce peut
estre, & c’est ordinairement vne action de iustice : mais punir
ceux des Princes, ce ne sçauroit iamais estre qu’vn crime.

Vox flagelli,
& vox impetus.
Nahum
3.

C’est pourquoy ie trouue que cette indépendance, qui est la
plus belle prerogatiue des Roys, au lieu de leur donner plus de
liberté de mal faire, les doit rendre encore plus circonspects
en toutes leurs actions, que les particuliers qui ont des Magistrats
à qui rendre compte. Pource que comme il n’y a point de
Iuge sur la terre qui puisse condamner ce qu’ils font, il n’y en
a point aussi qui le puisse iustifier. Et ainsi s’ils contreuiennent
aux loix, ce qui est bien plus remarquable en eux que dans les



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