Anonyme [1649], QVESTION, SI LA VOIX DV PEVPLE EST LA VOIX DE DIEV ? , français, latinRéférence RIM : M0_2951. Cote locale : C_6_76.
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qui ont tant d’interest à sa conseruation ? Et nous imaginons-nous
estre plus habiles que tant d’illustres personnages qui
ont vieilly dans les plus hautes charges de l’Estat, & dans les
negociations les plus importantes ? Toutes leurs voix, qui
doiuent estre escoutées auec respect, ne s’accordent point
auec les nostres : qui est vne marque indubitable que celle de
Dieu ne s’y accorde pas non plus. C’est au Roy à se seruir de
qui il veut dans soy Royaume, comme à vn pere de famille
dans sa maison ; & encore bien plus absolument. Et il est obligé
en conscience de ne pas laisser vsurper aux peuples le droict
de luy oster les Ministres choisis de sa main, & de luy en donner
d’autres à leur fantaisie.

 

Que sçauons-nous aussi bien ce que nous demandons ? Est-ce
nostre auantage de changer si souuent de Ministres, qu’il faut
qu’ils se remplissent tousiours sur nouueaux frais, & qui ne
tardent gueres à estre aussi haïs que ceux dont ils occupent la
place ? Si nous voulons vn Ministre qui nous gouuerne auec
douceur : La plus part du monde tient que le plus grand defaut
du nostre c’est d’en auoir trop, & que s’il eust poussé tous
ses ennemis aussi loin que le Cardinal de Richelieu a fait les
siens, il ne seroit peut-estre pas à la peine où à present il se
trouue : mais quand son administration n’auroit pas esté douce
y moderée, comme elle a esté iusques icy, nous deurions
tousiours nous asseurer qu’à l’auenir elle ne pourroit pas manquer
de l’estre : Estant croyable que l’image de cette grande
ville irritée luy viendra quelquesfois deuant les veux aussi
bien que celle de la misere generale de la France, dont en cette
occasion il a entendu les cris qu’on l’auoit empesché peut-estre
iusques-là d’entendre. Si nous voulons vn Ministre constant,
on l’a veu dans les tempestes qui se sont éleuées contre
luy auec vn visage aussi serain, & aussi paisible qu’il en auoit eu
dans la plus grande bonasse des affaires ; & s’émouuoir aussi
peu des calomnies dont on l’attaquoit, qu’on l’auoit auparauant
veu se ressentir des loüanges qu’on luy auoit données,
qu’on l’a tousiours accusé de rejetter vn peu trop austerement.
Si nous en voulons vn qui ne soit point interessé : Toute la
France s’estonne du peu de bien qu’il possede en son particulier,
du peu qu’il fait pour les siens, & de la liberalité auec laquelle



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