Anonyme [1649], NOVVELLES APPORTEES AV ROY LOVIS XIII. DANS LES CHAMPS ELISEES, Et son entretien auec les Heros & les principaux Seigneurs de sa Cour, touchant la funeste guerre que Mazarin a allumée dans la France. Et la description des principales choses qui sont arriuees depuis l’enleuement du Roy, qui est tout l’Histoire du temps. , françaisRéférence RIM : M0_2555. Cote locale : C_6_34.
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Et pour venir about de son funeste dessein, il a tasché de faire
perir tous ceux qui s’opposent genereusement à ses noires entreprises :
& il a si bien sceu captiuer l’esprit du Prince de Condé,
que sous l’esperance qu’il luy a donnée de luy faire tomber
toute l’autorité en main, & de contenter ses plus ambitieux
desirs. Ce vaillant Prince s’est rendu son protecteur, au preiudice
de sa Patrie, à laquelle il fait vne cruelle guerre ; laquelle
pourtant ne luy succedera pas si heureusement, comme son
courage & sa presomptïon luy ont fait conceuoir ; car tous
ceux qui le suiuent encore par interest, commencent à estre si
degoustez de cette guerre, que ie pourrois presque asseurer
vostre Maiesté, que dans peu de temps ils l’abandonneront : Et
qui plus est, le Cardinal ne pouuant faire repasser les monts à
tant de millions qu’il a volez, ne pourra fournir aux despens
de son armée (car il ne peut plus rien tirer des Prouinces qui
l’ont toutes abandõné) & ainsi ie crois que dãs quelques iours
vostre Maiesté entendra dire, que ce ieune & vaillant Prince,
apres auoir rompu le charme qui le retient, & connu qu’vn
Hercule mesme, ne pourroit appuyer cette Idole chancelante :
aura iuste sujet de tourner sa colere contre cét ingrat & perfide
Ministre : & qu’il l’amenera luy-mesme par les oreilles à
Messieurs du Parlement, pour le punir de ses crimes, ou aux
Peuples, pour leur donner moyen de se vanger des maux qu’il
leur a fait souffrir auec tant d’iniustice & de cruauté ; car ie ne
trouue point d’expedient à Monsieur le Prince plus asseuré que
celuy-là, pour se remettre bien dans l’esprit de ses Concitoyẽs,
& recouurer sa premiere gloire : Et ie pense, SIRE, que les
dernieres paroles que ie luy ay dictées, auront assez d’eficace
pour l’obliger à songer à soy ; car comme ie luy tesmoignay en
mourant le sensible regret que i’auois, d’auoir esté assez malheureux,
de porter le fer & le feu contre ma patrie : Ie luy fis
connoistre qu’il hazardoit sa vie & perdoit sa reputation, pour
vn homme sans foy, sans conscience & sans honneur, pour vn
traistre & pour vn monstre qu’il deuoit estouffer, apres luy
auoir fait rendre gorge, & ainsi purger le Royaume de cette
peste née à la ruine du genre humain ; la croyance & la confiance
qu’il auoit eu en moy, & l’affection qu’il m’a tousiours


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