Anonyme [1649 [?]], FACTVM, SERVANT AV PROCEZ CRIMINEL, FAIT AV CARDINAL MAZARIN, touchant ses intelligences auec les Estrangers ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1368. Cote locale : C_5_1.
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Officiers, & autres deux armées de terre & de mer, pour y faire des conquestes.
Piombino & Portolongone furent pris, munis & fortifiez auec plus de coust &
de despense, que toutes les places de France n’en ont consommé depuis la guerre,
si d’auenture tout l’argent, qui a de ce Royaume passé en Italie par les ordres du
Cardinal Mazarin y a esté employé.

 

Ces deux places n’ont pas esté attaquées par les Espagnols, bien que le recouurement
leur soit d’vne haute importance. Le Cardinal Mazarin a voulu acheter
pour soy Piombino du Prince Ludouisio proprietaire, qui s’en est mocqué,
encore qu’il en soit despoüillé. Le Roy d’Espagne est interuenu dans ce marché,
a pris les droits du Prince Ludouisio, luy a baillé en eschange la Principauté de
Salerne, & autres fiefs au Royaume de Naples pour fauoriser le Cardinal Mazarin
de cette Principauté de Piombino, qui a esté infeodée par l’Empire à la
Couronne d’Espagne, de laquelle elle estoit tenuë en foy & hommage par le dernier
possesseur. Le temps fera voir ce qui en arriuera, & à qui ces forteresses demeureront.

Les effets de nos armées nauales depuis la conqueste de ces deux places, font
connoistre presque à tout le monde, l’intention ou le iugement de ce grand Ministre.
Les sentimens & les discours des Officiers de ces armées tant des Capitaines
des vaisseaux, que des galeres & de tous leurs Pilotes, estoient qu’ils partoient
tousiours quand il n’estoit plus temps de partir, & alloient tousiours où ils ne deuoient
pas aller. Les plus sages concluoient à ce, que ce Ministre n’entendoit rien
à gouuerner vn Estat : mais les plus clair-voyans concluoient à ce qu’il s’entendoit
auec les ennemis. Et les vns & les autres deploroient de voir ce Royaume si
miserablement vendu & trahy, la reputation d’vn grand Roy, & d’vne belliqueuse
nation si vilainement diffamée, & tant de braue noblesse exposée à la boucherie
par vn estranger Italien Espagnolisé, ennemy capital du nom François.

Si nos armées de mer fussent allées en Catalogne pour y appuyer les desseins
qu’on auoit dans cette Prouince, sans lesquelles ils ne se peuuent esclorre ; nous
y aurions fait d’autres conquestes, & tiré le reste des Catalans de la seruitude Castillane
en laquelle ils sont. Mais tous les bons desseins de succez apparens & probables ;
qui luy ont esté proposez, n’ont iamais esté goustez ny suiuis par luy. Et
ce tesmoignage peut estre hautement rendu par vne infinité de gens de bien & de
condition, qui luy ont fait des propositions considerables, & donné des aduis importans,
le tout vainement.

Cette belle Prouince de Catalogne creut que la France, à laquelle elle se trouue
vnie & incorporée, l’alloit démembrer & ietter dans son ancien esclauage, pour
estre tous ces nobles & genereux Catalans exposez à la barbare vengeance des
Espagnols, comme ils la pratiquent à Naples ; lors que le Cardinal de Sainte Cecile
frere du Mazarin, fut enuoyé Viceroy dans cette Prouince, voyans ces deux
freres, l’vn fol ridicule, & l’autre méchant execrable ; ils s’écrioient publiquement
Ha pauure France ! ha pauure Catalogne ! sous quelles con luites estes vous
tombées ? La peur & la honte que le Cardinal de Sainte Cecile eut de ces plaintes
publiques, le porterent à se retirer & sortir de cette Prouince sans ordre, & de s’en
venir à la Cour, contre l’ordre qu’il auoit de n’y pas venir.

L’impertinent dessein qu’il a eu de faire passer & perdre cette derniere Campagne
à l’Armée du Roy deuant vne Place, & d’engager encore le Duc de Modene
au siege de Cremone, ville du Milanois, qui ne se deuoit, ny pouuoit prendre ; &



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