Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE AV CHEVALIER DE LA VALETTE. Soubs le Nom du Peuple de Paris. Auec la responce aux placards qu’il a semez par ladite Ville. , françaisRéférence RIM : M0_2212. Cote locale : A_5_11.
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Lettre du Peuple au Cheualier de la Valette.

MONSIEVR,

Quoy que le temps auquel vous auez semé par Paris ces escrits
infames, contenant la matiere des diuisions que vous pretendiez à leur
faueur y faire naistre auec le reste de vos cabalistes, nous en fase assez cognoistre
la nature, & nous persuade suffisamment sans les lire qu’ils ne
peuuent estre que des ouurages des tenebres & de malice ; puis que c’est pendant
la nuict fauorable a de telles entreprises, que vous en auez fait la distribution,
& qu’il est vray que celuy qui fait mal est tousiours ennemy de la lumiere :
neantmoins en ayant esté plus fortement persuadez & confirmez dans ce
sentiment par la lecture dont nous les auons honorez, nous sommes bien aise
de vous en escrire, pour vous faire voir que nous ne sommes point si simples &
si aueugles que vous nous l’estimez, (puis qu’au milieu des plus noires & des
plus sombres tenebres de la nuict, nous auons découuert vos execratiõs & vos
embusches) & que nous sommes trop bien liez à nos Protecteurs & à nos Peres
pour nous en separer. Les moyens que vous auez pris pour cela en sont bien
éloignez ; si vous nous eussiez donné quelque raison de Politique ou de Philosophie,
ou tirèe des autres sciences, comme nous ny entendons rien, peut estre
que cela nous eust bien pû ébranler ; mais nous battre par des choses si opposées
à nos sentimens & à nostre propre experience, nous attaquer par des mensonges
si manifestes & si visibles, cela marque sensiblement, & l’iniustice de vostre
entreprise & la bonté de nostre cause ; nous n’auons iamais esté si affermis
que par ces raisons mesme que vous auez employé pour nous abbatre ; on s’estonne
comme vous n’auez pas d’auantage déguisé vos mensonges, comme
vous n’auez pas eu plus d’adresse à nous dissuader, & comme vous n’auez pas
caché d’auantage vostre poison & vostre venin ; on dit que vous n’estes pas vn
fin menteur, que vous n’auez pas esté assez long-temps à l’escolle, qu’il faut
que vos inclinations ayent esté forcées, ou que le trop bas sentiment que vous
auez eu de la rudesse purement imaginaire d’vn peuple plus délié & intelligẽt
que l’on n’estime, vous ait fait croire qu’il ne falloit pas tant d’artifice & d’estude
pour le surprendre ; Quoy qu’il en soit, nous aduoüons que nous n’auons
iamais veu mentir si ouuertement, vous le sçauez, & les deux responses suiuantes
que nous faisons à vos deux imprimez que le Ciel a fait tombez entre
nos mains, vous peuuent faire cognoistre que nous n’en sommes pas ignorans ;
prenez la peine de les lire & vous verrez qu’elle estime vous estes obligé d’auoir
d’vn peuple lequel, quoy que vous ayez offensé n’en est pas moins,

MONSIEVR,

Vostre seruiteur,



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