Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE AV CHEVALIER DE LA VALETTE. Soubs le Nom du Peuple de Paris. Auec la responce aux placards qu’il a semez par ladite Ville. , françaisRéférence RIM : M0_2212. Cote locale : A_5_11.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 8 --

ont donné à ma misere ; les premieres impressions que i’ay pris de la parfaite cognoissance
que i’ay de la probité de leurs personnes demeure victorieuse de ces
sentimens. Et quand cela seroit, ce m’est vn nouueau sujet de ne rien craindre,
mais de bien esperer de leurs trauaux, puis que comme vous m’apprenez ils agissent
par des ressorts interessez ; cela seroit à desirer pour fortifier mon esperance,
que ie fonde moins sur les ostages qui nous ont esté donnez, que sur la vertu &
l’incorruptibilité de ces Ministres : Que m’importe par quel motif on trauaille à
mon repos, pourueu que i’arriue à la fin & au but ou i’aspire, & duquel vn auorton
de Sicile entreprend de m’esloigner ; apres cela, le direz vous innocent, vous
dites qu’il n’a aucunes places, cela est vray, parce qu’il n’a eu, ny le pouuoir, ny
la volonté d’en acquerir, si apres six ans d’administration, il n’a ny place, ny charge,
ny gouuernement de Prouince, ny office de la Couronne, n’est il donc pas
criminel d’auoir enleué nostre Monarque en pleine nuict, d’en auoir fait son prisonnier,
qui l’a authorisé en cette action ; il ne veut point de places ny de gouuernemens
parce qu’il ne veut pas vider sa bourse, mais il veut bien les plus beaux
Benefices de la France, parce que c’est le moyen de l’emplir sans la dégarnir iamais,
que pour en augmenter la plenitude ; car à son esgard, il ne faut point parler
de liberalité non plus que de douceur, si ce n’est aux ennemis. Le Duc de
Beaufort a esprouué sa rage, & il la sentiroit encore si le S. Esprit ne l’auoit remply
au jour de sa descente, d’autant de force pour sortir de la prison, que les Apostres
de feux & de flammes pour quitter le Cenacle ; vois-tu comme i’ay les yeux
dessillez & ouuerts, & comme ie cognois bien l’erreur ou ie me precipiterois
malheureusement, si suiuant tes pernicieux conseils au lieu de suiure ceux qui
ont le principal interest au bien public & de l’Estat, ie venois à marcher sur les
pas de Monsieur le Duc d’Orleans engagé auec regret, & de Monsieur le Prince
lié par l’interest de quatre millions, qui sont des taisons assez puissantes pour
me deffendre de cette illation & consequence, par laquelle tu dis qu’il faut necessairement
que les conseils du Cardinal soient bons, puis que ces deux personnes
les approuuent ; ie ne fais pas profession de Philosophie, ce n’est pas la l’occupation
du peuple & du vulgaire, neantmoins i’ay le sens commun assez bon
pour nier cette consequence. L’vn & l’autre en les suiuant donnent les mains à
la ruine de l’Estat, & renuersent tous les fondemens de la Monarchie, pour ne
pas vouloir receuoir auec affection les bons sentimens que nos Peres leurs ont
imprimé auec le respect, la ciuilité & l’amour dont ils sont redeuables à leurs Altesses ;
que seroit-ce si nous ne leur resistions puissamment cõme Dieu demande
de nous ; que seroit-ce que de cette opulence qui a rendu Paris la plus heureuse
de tout le monde ; mon commerce ne retourneroit jamais ; ie serois entierement
desolé, & me desunissant de ce Parlement auguste que tu appelle factieux,
ie courrerois risque de perdre l’amour de mon Souuerain, & peut estre tout mon
bon heur : Ie demeure donc pour sa protection & pour ma liberté, & mon repos
sous les armes par deuoir, & non pas par rebellion iusques à ce que la beauté
de cette belle Dame tant souhaittée me les fasse tomber d’entre les mains.

 

Qui male agit odit lucem.

FIN.



page précédent(e)

page suivant(e)