Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE AV CHEVALIER DE LA VALETTE. Soubs le Nom du Peuple de Paris. Auec la responce aux placards qu’il a semez par ladite Ville. , françaisRéférence RIM : M0_2212. Cote locale : A_5_11.
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bourses & nous sommes espuisez pour son seruice ; ces Princes ne sont point interessez,
le refus qu’ils ont fait de ce que l’on leur a presenté pour leur faire
prendre party contre leur Souuerain, dissipe facilement tous les nuages dont tu
pretends nous obscurcir ; le Havre, l’Admirauté, l’Espée de Connestable estoient
des charmes assez puissants pour les attirer, s’ils eussent plus consideré leur interest
que celuy du Souuerain : mais ils ont bien fait voir qu’ils demandoient autre
chose au Cardinal pour mettre ordre au bien public, pour calmer leurs iustes
esmotions, & pour les obliger à le canoniser.

 

Aduoüe apres tout cela, que ie suis clair-voyant, & aprens que ie te veux
satisfaire, ie te veux accorder ce que tu me demande, ie ne veux plus laisser si
longtemps abuser de ma bonté, ie veux vanger mon Roy desobey, mal traité, offensé,
attaqué ; ie me veux vanger moy-mesme des maux que ie souffre, & de
ceux de l’aduenir, quand ie n’aurois autre chose à craindre que de perdre pour
tousiours la presence de mon Roy, ce qui me seroit infaillible, si ie ne m’opposois
à la rebellion des vsurpateurs de son authorité, ne dois je pas considerer
qu’elle seroit pour moy la grandeur de cette perte, & que cette presence est ce
qui m’enrichit, ce qui me donne la splendeur & l’opulence pardessus les autres
peuples ; ou irois je chercher le payement de tant d’argent que la Cour me doit ;
n’apperçois-ie pas que si elle faisoit son sejour en quelque autre ville, tous mes
artisans seroient reduits à la faim, & qu’il se dépenseroit à Paris moins de douze
millions de liures par an, ne voids tu pas que ie prends tes sentimens, & comme
ie veux executer ce que tu m’inspire ; sorts donc de ta prison si tu peux, & si tes
chaisnes t’ont rendu plus honneste homme, te faisant desister de l’office d’espion,
demande vn passeport & va t’en dire à S. Germain que ton entreprise a reüssi,
mais tu n’as garde, car ce n’est pas de la façon que tu le voudrois bien, tu voudrois
que ce fust en prenant les armes contre ceux-la mesme qui ont authorisé le dessein
que i’ay eu de les prendre contre les ennemis de mon Prince & les perturbateurs
de ma l’arme, asseure toy que ie ne le feray pas, ce seroit le moyen d’attires
sur moy les vengeances du Ciel, l’inimitié de mon Roy, & la haine de tous les
bons François ; l’obligeray donc le Parlement à demeurer à Paris pour obliger
mon Roy à y retourner, & auec luy le bon-heur, l’abondance, le commerce, la
tranquillité, la seureté & la paix que i’entend de celuy qui seule me la peur donner,
& qui en est le Dieu qui la distribuë à tous les peuples.

Response du Peuple, Au second pernicieux Billet,
Portant, Lis & Faits.

NE me plains point de ma simplicité & de mon aueuglement, mais déplore
ma misere, non point pour l’administration de la Reine, mais de celle d’vn
mauuais Ministre, qui depuis sa Regence a obligé à diminuer le payement des
rentes, m’a chargé de nouueaux imposts, & au lieu des décharges de millions à la
fois & de soulagements feints & imaginaires m’a chargé de veritables miseres, &



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