Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE A MONSIEVR LE COMTE DE PIGNERANDA, PLENIPOTENTIAIRE D’ESPAGNE, POVR LA PAIX GENERALE, SVR LE RETOVR DV ROY dans sa Ville de Paris: PAR VN FAMEVX RELIGIEVX de la Ville de Doüay. Traduite d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2209. Cote locale : A_5_85.
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pouuoir resoudre. Ie voyois l’embrasement grand de tous
costez, & le party de ceux qui s’ennuyoient dans le repos,
plus fort encore que celuy des mescontents. Ie prenois garde
à ceux qui auoient esté donnez comme des lumieres,
pour conduire les Peuples, & les voyois tomber dans vne
honteuse defaillance, s’imprimer par vne forte creance
dans les ames du vulgaire, & donner autant de vigueur à
tous les crimes, qu’ils causoient de foiblesses generales à
toutes les Loix. Personne n’y viuoit plus dans leur crainte ;
& les querelles particulieres auoient tellement affoibly la
puissance du Souuerain, que sur ce rencontre i’eu l’honneur
d’en escrire fort au long à Monsieur le Brun Ambassadeur
en Hollande, & l’asseurer bien tost de la déroute d’vn
regne qui commençoit à donner de la compassion, dont il
n’y auoit point de plus asseuré presage que l’aueuglement
de ses conseils. C’estoit le temps qui me sembloit deuoir
manifester le plus haut secret des iugements de Dieu sur
nous, en ne dispensant pas d’vn rauage commun ceux qu’il
sembloit auparauant amuser dans les vaines prosperitez,
pour leur apprendre que si le torrent d’Elle seiche dans la
grande sterilité d’Israël, il n’y a qui que ce soit si asseuré de
sa bonne fortune & de ses beaux iours, qui ne doiue craindre
quelque temps orageux pour luy. Apres luy auoir fait
vn détail de toutes ces rumeurs, qui se faisoient entendre de
plusieurs costez, & tiré le tableau de cette Babylone confuse,
ie conclus à vne autre face pour les affaires de ce pauure
Royaume tellement esbranlées, qu’il n’y auoit plus rien
qui peust venir à son secours que la main d’vn Dieu ; & ce qui
m’auoit donné de la jalousie, ne me donna plus que de la pitié.
En verité ie ne m’attendois point de voir iamais plus rejoindre
des playes si grandes si grandes & si souuent irrirées, & creus
d’abord que le moindre mal qui en pouuoit prouenir, c’estoit
de souffrir le mal mesme, & les meschans, de peur qu’ils
ne deuinssent pires.

 

Mais V. G. voit assez comment Dieu en ordonne d’vne
autre façon : ce n’est pas sur la route des experiences ordinaires,



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