Anonyme [1649], LETTRE ENVOYÉE A DOM FRANCISCO MARIA DEL MONACHO, Sycilien, Superieur des Theatins, Predicateur & Confesseur du Cardinal Mazarini. Où il est sommairement respondu aux Libelles diffamatoires jettez à Paris par les Ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2225. Cote locale : A_5_28.
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Pape Alexandre VI. fut empoisonné, & luy mesme par mesgarde,
pressé de la soif, beut du venin qu’il auoit preparé aux
autres, dont sa ieunesse & son naturel robuste le preseruant, luy
laissa vne langueur qui l’empescha de poursuiure plus outre ses
desseins, & fut cause du desbris de ses troupes, de la perte de ses
Villes, de l’abandonnement de ses complices, & n’ayant plus
de support du Pape, fut contraint de se ietter entre les mains
des Espagnols, qui l’emprisonnerent : d’où depuis relegué en
Espagne, il mourut simple soldat à Nauarre, destitué de biens,
d’amis & d’honneur. Voila cét Escolier de ce Maistre impie.
Voila la catastrophe de la Tragedie de ce Tyran. Que si, bon
Pere, quand vous fustes appellé en France, vous eussiez jetté
l’œil sur ces exemples, & que vous eussiez tiré des leçons des
Liures sacrez, plûtost que de Machiauel, pour instruire vostre
Disciple, vous n’eussiez pas attiré & sur luy, & sur vous, la haine
de tous les Peuples, ny l’indignation de Dieu, dont les Loix
sont bien contraires à celles que vous pratiquez. Ce bon Maistre
ne nous crie autre chose, Apprenez de moy que ie suis doux
& humble de cœur, Que celuy qui se sert du glaiue, perira par
le glaiue, Que le sang des Iustes crie vengeance deuant sa sainte
face, Qu’il ne faut point faire à autruy que ce que nous voudrions
souffrir nous mesmes, Qu’il faut garder sa foy, mesmes
aux ennemis, Qu’il ne faut point voler, ny mesme conuoiter
le bien de son prochain, Qu’il faut que le Soldat se contente
de sa solde ; Il nous defend le viol, le meurtre & l’incendie.
Voila les Leçons de ce grand Maistre, du seruice duquel vous
vous masquez pour nous seduire : Et suiuant Machiauel, vous
pratiquez le contraire ; Car vous ne sçauriez vous purger du
blasme que l’on vous donne, d’estre coulpable de tous nos malheurs.
Car si vous preferiez la gloire de Dieu à vos propres interests,
& si suiuant vostre Vœu, vous vous fussiez appuyez sur
la seule Prouidence diuine, vous n’auriez pas recours aux
Grands de la Terre, & ne fonderiez pas l’esperance de l’establissement
de vostre Maison sur la fortune de Mazarin, vous
ne co[4 lettres ill.]eriez pas à ses volontez abominables : dans le secret
de la confession, vous ne flateriez pas son ambition ; vous rabaisseriez
son orgueil, vous banniriez sa cupidité effrenée d’acquerir,


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