Anonyme [1649], LETTRE ENVOYÉE A DOM FRANCISCO MARIA DEL MONACHO, Sycilien, Superieur des Theatins, Predicateur & Confesseur du Cardinal Mazarini. Où il est sommairement respondu aux Libelles diffamatoires jettez à Paris par les Ennemis de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2225. Cote locale : A_5_28.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 7 --

moins de fruict, que nous en auons recueilly iusques à present des Victoires
de Monseigneur son Frere. Le Duc d’Elbeuf, Prince genereux,
y est taxé d’auarice, luy que l’on pourroit plûtost accuser de prodigalité,
aussi liberale des biens que sa naissance luy a donnez, que de son sang,
& de celuy de ces ieunes Princes, Messieurs ses Enfans, qu’il expose
tous les iours pour la conseruation de la Couronne. Vn ieune Prelat a
suiuy le meilleur & le plus iuste party, c’est par ambition, ce dit-il, oüy,
c’est le moyen d’acquerir des Benefices lors que l’on luy saisit le reuenu
des siens, Et de qui les peut-il pretendre que de Mazarin, qui en dispose
& les donne (ie ne me veux pas seruir d’vn plus vilain terme) à ceux à
qui il luy plaist ? Quel mal a-t’il fait, que d’estre trop homme de bien en
vne saison où il ne faut pas l’estre ? Il est Pasteur, il defend le troupeau
dont Dieu luy a commis la garde, luy monstre le chemin par son bon
exemple, l’exhorte de voix de ne pas suiure les chemins qui conduisent
aux pastis venimeux : Le loup les attaque, il crie, il inuoque le Ciel à son
secours, & la tendresse qu’il a pour ses brebis à demy escorchées, luy
font prendre la houlette en main pour les defendre : Mais n’estant pas
assez fort pour resister à la rage de ce loup deuorant, il prend des pierres,
& se sert de toutes les armes que la necessité nous fournit pour defendre
nostre vie. Voila, MON PERE, les criminels à qui en veut vostre Maistre,
voila ceux contre lesquels, par mauuaises impressions, il a aigry le
cœur de la Reyne, que Dieu veuïlle destromper par sa saincte grace ;
voila ceux qu’il accuse de crime de leze Majesté, qui exposent leurs
biens, leurs vies & leurs enfans pour la conseruation de l’Estat, & pour
restablir le Roy & la Reyne Regente sa Mere ; dans le Throsne dont
l’Vsurpateur les a arrachez. Il dit qu’il n’a aucun Gouuernement, non,
mais il en a disposé tant qu’il a pû à des personnes confidentes ; n’estant
pas encor si effronté que de vouloir choquer tout à fait les Loix fondamentales
du Royaume, faites contre les Estrangers. Et puis quel plus
grand Gouuernement pourroit-il pretendre que celuy dont il iouït ? de
la personne sacrée du Roy, sous l’authorité vsurpée duquel il commandoit
cy-deuant souuerainement par tout le Royaume. Il n’a pas fait en
France de grandes acquisitions, il ne luy en estoit pas besoin : car il ne
pretendoit pas moins que de posseder cette Monarchie toute entiere ; &
c’est pour ce sujet qu’il a amassé de si grandes sommes d’argent, qu’il a
fait transporter en plusieurs Prouinces estrangeres, pour de là auoir du
secours au besoin, s’il n’estoit pas assez fort pour venir à bout de ses pernicieux
desseins.

 

I’ay esté bien aise, MON PERE, de vous monstrer en peu de mots
les ressentimens de tous les bons François, afin que ne vous fiant plus
tant sur les pretentions de cét Vsurpateur, vous fondiez vos esperances
sur quelque chose de plus solide, Et ie croy que vous eussiez mieux fait
d’imiter les premiers de vostre Ordre, qui vinrent pour s’establir en
France, & qui creurent le conseil du feu Roy, d’heureuse memoire, qui
s’enquerant de leur institution, & eux ayant respondu à sa Majesté,



page précédent(e)

page suivant(e)