Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTILHOMME ROMAIN A VN FRANCOIS. Contenant les discours que tiennent les Politiques estrangers du gouuernement de la France; & comme ils connoissent que ses afflictions ne prouiennent que des trahisons de ses Ministres. Nouuellement & fidellement traduite d’Italien en François. , françaisRéférence RIM : M0_1879. Cote locale : A_5_67.
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qui est non seulement Estranger, comme le Marquis
d’Ancre, mais encore originaire d’vn pays irreconciliablement
Ennemy des François, & Sujet du Roy d Espagne.

 

La conduite qu’on remarque dans les affaires du Gouuernement,
persuade facilement cette verité ; Car il est certain
que les exactions estans plus excessiues, qu’elles n’ont iamais
esté en ce grand Royaume, sous pretexte d’entretenir
des Gens de Guerre, neantmoins ceux-cy ne reçoiuent pas
vne seule monstre ; ce qui fait que toutes les Armées mesmes
les plus lestes, se dissipent en vn moment faute de paye, que
vos leuées seruent à grossir les Troupes des Ennemis, que
vos entreprises les plus importantes & les mieux digerées,
auortent contre toute apparence, comme des productions
mal conceuës, & que les plus beaux commencemens
sont constamment suiuis d’vn triste ou ridicule succez. Ces
desordres sont trop grands & trop pernicieux à vostre Estat
pour partir de l’esprit d’vn François, aussi ne doute-on pas
en ce pays, que le Mazarin n’en soit l’Autheur. Car comme
il entra au seruice du Cardinal Anthoine par vne trahison,
& qu’estant nommé du Pape, Legat en France, il quitta le
seruice de sa Saincteté, pour s’attacher à celuy du Cardinal
de Richelieu. Il y a grande apparence qu’il practique les
mesmes maximes d’Infidelité en faueur des Espagnols, aux
vaines promesses desquels il se laisse esblouir.

Au commencement ils l’ont flatté de l’esperance de faire
son frere Pape, pourueu qu’il ne les deseruist point en Italie,
& c’est la raison qui l’a obligé d’employer tant de millions,
pour achepter le Chapeau d’vne teste folle, s’imaginant
que s’il pouuoit encore l’orner d’vne Thiate, ce frere
le feroit Souuerain en Italie, & luy donneroit la Duché
d’Vrbain de Ferrare, ou quelque autre fief considerable de
l’Eglise.

Depuis la mort du Prince d’Espagne, on luy promet bien
d’autres aduantages fondez sur le peu de santé du Roy Catholique,
& de l’Infante sa fille, lesquels venans à mourir,
la Reine de France, comme Aisnée de la Maison, doit recueillir
la succession de cette grande Monarchie, la renonciation



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