Anonyme [1649 [?]], Lettre d’vn Bourgeois de Paris estant à la Cour, envoyée à Paris, à vn sien amy, le 26 Ianvier 1649: Sur le sujet des présens mouvemens. , françaisRéférence RIM : M0_1855. Cote locale : A_1_7.
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oublié tout cela, que l’on connoissoit bien qu’il n’y avoit eu
aucun mauvais dessein de la part des bourgeois de Paris, & que
les barricades qu’ils avoyẽt faites, estoyent plustost pour arrester
le mouvemẽt de la menuë populace, qu’vn dessein d’entreprendre
rien contre le Roy : & ce qui me fait croire ce discours, est
que je voy que l’on n’est point a présent irrité contr’eux, & que
la Reine dit tous les jours qu’elle est preste de retourner à Paris
avec le Roy, & d’aimer les bons bourgeois autãt qu’ils le peuvent
désirer d’vne bonne Reine, qui a tesmoigné depuis le commancement
de sa Régence jusques à présent, vne grande passion pour
le bien de l’Estat, & qui a travaillé avec ses bons conseils à donner
la paix aux sujets du Roy. Lors qu’elle a commancé sa Régence,
elle a trouvé vne guerre avec l’Espagne, qu’elle a esté
obligée de soustenir & de continüer. Les Espagnols, au cõmancement
de la minorité du Roy n’ont point voulu de paix, ils pensoyent
qu’il y auroit des troubles dans l’Estat, & qu’ils pourroyẽt
avec plus de facilité, regangner les villes qu’ils avoyent perduës,
& que nous ne serions pas assez forts pour leur résister : ils ont esté
trompez, car ils ont veu, que l’on a fait plus de conquestes sur
eux, & qu’ils ont esté plus souvent battus depuis la Régence qu’ils
n’avoyent esté auparavant sous le régne d’vn puissant Roy : Il estoit
bien difficile d’entretenir tant d’armées de tous costez sans
faire de grandes despences : & ces bonnes gens, ces bons bourgeois
de Paris ne sont pas entrez en ces considérations, & ont
creu ce que des gens plus fins qu’eux leur ont dit. Ils ne sçavent
pas que lors que la Reine est entrée dans le gouvernement du
Royaume il y avoit pres de deux années du revenu du Roy despencé
par avance, que tout son Domaine estoit engagé, & que
ce ne sont pas les derniéres dépences qui ont fait le mal ; que la
Reine avoit au commancement de sa Régence, encore qu’il y eust
beaucoup de nécessitez dans l’Estat, diminüé la taille de pres de
quinze millions tous les ans, elle avoit fait revoquer nombre
d’Edits qui alloyent à la foule des sujets du Roy, & encor à présent,
elle a bien fait connoistre combien elle les aime, & a pitié
de les voir souffrir, & combien elle désire leur soùlagement,
puis qu’elle a remis trente-quatre millions qui se levoyent tant
sur les Officiers que sur les peuples. Ce n’est pas que l’on n’en
reçoive de grandes incommoditez, & que ce qui reste soit
suffisant pour les despences de l’Estat : Mais elle a mieux
aimé retrancher d’autres despences que de continüer plus long-temps


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