Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS, ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : C_3_31.
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des Rois ; & qu’ils se sont obligez à luy en payer exactement
les reuenus de droict naturel, de sorte que quiconque ne le
fait, outre qu’il offense Dieu mortellement, est encore obligé à
restitution, parce qu’ils s’en sont desaisis en faueur de la subsistance
du Prince. Mais ce qui est à noter, ils ne se sont iamais deportez
de la connoissance des subsides extraordinaires qu’il a fallu leuer
sur eux, & n’y a nulle prescription qui ait pû acquerir aux Rois le
droict de faire des leuées sans leur consentement, pour quelque
cause que ce soit. La raison de cecy se tire de la maxime que nous
auons posée, que le Roy n’a point de droict sur les biens des particuliers,
& partant il ne les peut obliger à les luy bailler sans iniustice.
Aussi voyons-nous que les premiers Rois qui ont commencé
à leuer sur le peuple, en ont fait vn poinct de conscience, & s’en
sont accusez deuant Dieu comme d’vne chose iniuste, & qui ne
leur estoit pas deuë. Tesmoin S. Louïs qui cõmanda à Philippe son
fils aisné & successeur, de remettre les Tailles qu’il auoit esté contraint
de leuer à cause des guerres, & luy defẽdit d’en leuer aucune
si l’vrgẽte necessité ne l’y obligeoit : ce qui fait voir que la taille n’estoit
pour lors qu’vn subside extraordinaire, non plus que la leuée
de Louys le Ieune de la 20 partie du reuenu de ses subiets pour
vne sois seulement ; telle fut encore la Maletote de Charles VI.
Et parce que les Estats virent que depuis S. Louys, les leuées
se faisoient comme ordinaires, il y fut arresté en presence de Philippes
de Valois l’an 1338. qu’il ne s’en feroit aucune sur le peuple
sans son consentement. Les Deputez des trois Estats tenus à
Tours firent à Louys XI. par forme de don pour deux ans seulement
quelque somme considerable comme vn octroy qui fut esgalé
sur lesdits Estats, sans toutesfois tirer à consequence, & sans
que ledit octroy pust estre appellé Taille ou impost. Et fut remonstré
aux Estats tenus en la mesme Ville sous Charles VIII. par Philippes
de Comines, qu’il n’y auoit point de Prince qui eust pouuoir
de leuerimpost sur ses subjets, ny prescrire ce droict, sinon de
leur consentement. Bon Dieu que nous sommes à present esloignez
de cette condition-là ! En ces temps-là, si quelque necessité
pressante obligeoit les Rois à exiger quelque tribut de leurs
subjets, c’estoit auec des protestations de le supprimer aussi-tost
qu’ils en seroient deliurez ; ainsi que fit Philippes le Long, qui mit
le premier vn double sur la liure de sel ; & depuis Philippes de Valois
declara par lettres patentes de l’an 1328. qu’il ne vouloit, ny
n’entendoit que le droict de Gabelle, qui estoit pour lors de quatre
deniers pour liure, fut incorporé au Domaine. Est-ce là vne
marque d’vne puissance souueraine sur nos biens ! la Monarchie


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