Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS, ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : C_3_31.
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Ministres de S. Germain, que des gazettes & des billets, où l’on
disoit que Paris estoit aux abois, que l’ardeur des Bourgeois n’estoit
qu’vn feu de paille, que la prise du village de Charenton &
de Brie auoit mis la consternatiõ si auant dans leurs esprits, qu’ils
estoient prests de se mutiner contre vous & contre vos Chefs, que
la diuision s’estoit mesme desia glissée parmy les Generaux ; en vn
mot, qu’ils estoient sur le point d’aller à S. Germain la corde au
col, pour demander pardon de ne s’estre pas laissé mourir de faim.
En effet vne nouuelle qui nous vint en mesme temps de Paris,
nous confirmoit en quelque façon tout cela, qui portoit que vous
parliez desia d’accommodement, & que mesme vous condescendiez
à vne paix, dont les articles estoient fort peu auantageux,
pour ne pas dire pis. Mais vostre poste nous a enfin desabusez &
asseurez du bon ordre de vostre ville & de la bonne intelligence
qui est entre les Bourgeois & vous. Ce qui m’a obligé de despescher
la presente & de vous l’enuoyer ; afin que si vous venez
à quelques termes d’accommodement, vous examiniez quelques
causes que ie marque, d’où nous croyons que prouiennent
tous nos maux, & que vous y apportiez le remede que vous iugerez
estre necessaire.

 

La premiere cause que nous trouuions, est que vous ne faites
pas assez de reflexiõ sur ce que vous estes. Nous ne sommes genereux
qu’autant que nous le croyons estre ; cõme nous ne sommes
poltrons que pour auoir trop de défiance de nos forces ; c’est pourquoy,
dit-on, Dieu ne voulut pas donner aux animaux la connoissance
de ce qu’ils pouuoient, autrement l’homme n’auroit
iamais pû en venir à bout, ny les dompter comme il fait. Si vous
auiez consideré plustost le rang que vous tenez dans l’Estat, & le
suiet de vostre establissement, vous n’auriez pas supporté toutes
les indignitez qu’il vous a fallu miserablement souffrir durant le
regne passé & pendant la Regence, & vous vous seriez opposez
fortement à tant de concussions qui se sont commises à l’oppression
des peuples, dont vous deuez estre les Peres & les Protecteurs.

La 5. cause
des desordres.

Car l’on ne peut oster à vostre Parlemẽt, qu’il ne soit le Soleil de
toute la France, & peut-estre de toute l’Europe, puis qu’il n’y a
gueres de Prince qui n’en reuere les Arrests (tesmoins les sentimẽs
de l’Archiduc Leopold qu’il vous a fait declarer par son Courier)
& qui ne croye qu’ils partent de la Cour de ces grands Areopages
ou du Senat Romain en sa splendeur. Comme à vray dire, vous
n’estes ny moins Venerables ny moins Augustes qu’eux ; & si vn
second Cyneas vous voyoit en corps, il pourroit dire à iuste titre
ce que dit l’ancien, en voyant la Cour Romaine ; que la vostre
ne luy sembleroit pas vne assemblée d’hommes, mais vn Consistoire



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