Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
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commençastes enfin à vous réueiller d’vne malheureuse [1 mot ill.],
qui vous a si long-temps tenus sans poux, & sans mouuement.

 

Il me souuient à ce propos de certains discours qu’on dit, que
tint le Plaisant, autrement le bouffon du Roy, sur le sujet des
duels du grand Boutheuille, qui auoit desia tué seize Gentilshommes,
au combat d’homme à homme ; & comme on demandoit
au Roy sa grace pour le seiziesme, & que le Roy n’en vouloit
point ouyr parler, à cause de tant de meurtres qu’il auoit commis,
ce fou luy dit, que Bouteuille n’en auoit tué qu’vn, & que
le Roy auoit tué les autres, parce que s’il l’eust puny dés le commencement,
selon ses Ordonnances, il n’en eust pas tué dauantage.
I’en puis dire autant de vous, Messieurs, & prendre la liberté
d’vn fou qui estoit sage, en vous remonstrant que si vous auiez
chastié dés le commencement les brigandages du regne passé, nous
n’en serions pas où nous en sommes maintenant.

A qui pensez-vous que les peuples puissent adresser leurs plaintes,
si ce n’est à vous ? iront-ils au Cõseil du Roy, où l’on ne met quasi
plus que des Partisans, pour se plaindre des extorsions qu’ils font ?
c’est à dire, iront-ils deuant des Iuges qui sont parties ? il n’y a pas
d’apparence, & le peu de Iustice qui s’y rend, fait mesme apprehender
aux plus iustes d’en auoir des Arrests à leur aduantage. Pourquoy
verisiez vous les Edits du Roy ? est ce par forme seulement
& par vne vieille coustume ou bien si c’est parce que vous seruez
de barriere à cette authorité Royale, & que vous auez droict d’examiner
s’ils sont iustes. Vous sçauez mieux que moy que les peuples
n’ont aucune voix deliberatiue en tout cela, si ce n’est par
vous qui estes comme leurs Deputez ; & quand i’ay dit qu’ils
estoient parfois exempts de l’obeyssance, ie n’entends pas que les
particuliers se puissent arroger ce droict, autrement ils se seroient
iustice à eux mesmes selon leur caprice, ce qui ne se peut pas, mais
bien quand ils sont authorisez par vos Arrests qui tiennent lieu
d’Estats & d’Ordonnances.

Souuenez-vous donc, s’il vous plaist, que depuis que les
Parlemens sedentaires sont instituez, pour rendre plus commodément
la Iustice aux subiets du Roy, l’on n’a tenu les Estats
que pour remedier aux desordres qui arriuent de temps en
temps en l’administration, qu’on leur en à donné les Ordonnances,
comme en depost, pour les faire executer en leur forme
& teneur, & qu’ils en sont chargez, tant de la part du Souuerain
que des subjets : si bien que l’on peut conclurre conformément



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