Anonyme [1649], LETTRE D’AVIS A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS ESCRITE PAR VN PROVINCIAL. , français, latinRéférence RIM : M0_1837. Cote locale : A_5_23.
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i’estime auec plus de douceur que ne font la pluspart des hommes,
qu’il ne faut pas tant prendre garde à la naissance d’vn Recipiendaire,
qu’à sa vertu & à son merite. Et neantmoins quand ie fais reflexion
sur les inconueniens qui en arriuent, ie suis comme forcé à
renoncer à mon sentiment, comme en effect il n’est pas croyable
qu’vn homme attaché de fortune & d’interest à vn Ministre, abandonne
ce qui le touche, pour suiure le party de ceux dont il est hay :
ce seroit s’abandonner soy-mesme ; & s’ils en trouue quelques vns
d’assez genereux pour renoncer à toutes ces alliances plastrées par
les concussions, & cimentées par des larcins, comme il s’en est
trouué en vos grabuges, l’on peut dire que c’est vn prodige, & que
la fortune leur a esté marastre, de faire prendre à ces belles ames des
corps empestez de la corruption Partisane. Il y a encore vne autre
raison qui regarde l’honneur de vostre Compagnie, de n’y admettre
personne qui sente la lie, & qui fasse dire de tout le Corps qu’il
n’est composé que d’ames venales, c’est à dire que de Partisans. I’estime
cette raison plus forte sans comparaison que toute autre. Toute
Compagnie doit s’estudier à acquerir de l’estime, à amplifier son
authorité, & à la conseruer : & il est sans doute qu’en quelque lieu
que ce soit les personnes de condition sont tousiours plus respectées
& qu’on les croit moins susceptibles de faire vne lascheté que d’autres.
C’est pourquoy en plusieurs endroits l’on requiert la Noblesse
dans vn Conseiller, comme à Venise, Rhaguse, à Nuremberg, &
en Pologne, depuis l’Edict de Sigismõd de l’an 1550. qui portoit que
nul ne pourroit estre receu Senateur a moins que son pere ne fust
Noble

 

Les Romains requeroient bien en leurs Senateurs qu’ils eussent
trente mil escus vaillans, pour auoir dequoy s’entretenir en vn estat
sortable à leur condition : mais outre cela il a esté long temps que
pour estre admis en l’Ordre, il faloit auoir exercé quelqu’vne des
hautes Magistratures : c’est pourquoy de cinq ans en cinq ans les
Censeurs enregistroient au roolle du Senat tous ceux qui auoient
eu des Charges publiques : Et quand Sylla le voulut rẽplir & en mettre
au lieu de ceux qu’on auoit fait mourir, il institua vingt Questeurs,
& Cesar quarante apres luy, afin qu’à l’instant ils eussent
entrée au Senat, & le pouuoir d’opiner. Et quoy que sous les Empereurs
il y ait eu quelque relasche pour le fait des Charges, neantmoins
les sages & vertueux Princes n’y ont iamais voulu admettre
aucun libertin ou fils d’affranchy, qui estoient sans comparaison
plus considerables que tout le tas des Partisans, par ce que hors le
malheur de la guerre qui les auoit rendus eux ou leurs parens esclaues,
il n’y auoit bien souuent rien à reprocher en leur vie. Et bien
dauantage, Alexander Seuerus ne voulut iamais en admettre en



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