Anonyme [1649], LETTRE DV SIEVR MAZARINI AV CARDINAL MAZARIN SON FILS, De Rome du 25. Octobre 1648. TOVRNEE D’ITALIEN EN FRANCOIS par le Sieur de Lionne. AVEC LA RESPONSE DV CARDINAL Mazarin à son Pere. , françaisRéférence RIM : M0_2203. Cote locale : A_5_66.
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i’ay fait, parce qu’encore que ie ne luy fisse que fort petite
part de la connoissance des affaires, ie voyois qu’il ne perdoit
pas esperance d’y rentrer, & qu’il se tenoit à vn poste
qui me faisoit ombrage ; car demeurant à la Cour auec toutes
ses habitudes entieres, & toutes ses intrigues, sujet de
craindre que dans les troubles passez il ne reprist son aduantage,
& qu’il n’aidast à me destrousser, comme ie sçay qu’il
y a trauaillé sous main tant qu’il a peu : ie le deuois d’autant
plus craindre que pour s’esleuer pardessus moy, son
ambition estoit secondée du ressentiment de l’injure qu’il
croit que ie luy ay fait de ne le plus faire gouverner l’Estat
auec moy, & que ma ruine eust esté bien plus grande par vn
tel successeur habile & hardy comme il est, qui eust fait partie
de son bon-heur, & m’exterminer entierement, qu’elle
ne le pouvoit estre par aucun autre qui m’eust succedé, si
bien que desirant me conserver dans ma bonne fortune, ou
faire naufrage auec la moindre perte que ie pourrois, i’ay
esté obligé de vaincre mes ennemis, & n’en ayant point de
plus violent ni de plus capable de me precipiter que le Sieur
de Chauigny, i’ay fait vne action d’homme sage, de le faire
arrester dans son propre gouvernement.

 

Ie passe au Sieur de la Riuiere Fauory du Duc d’Orleans,
qui a heureusement secondé le dessein que i’auois de me
deffaire de Chauigny, à cause de l’inimitié qu’il auoit contre
luy. Ce Fauory qui seroit rauy aussi de ma disgrace pour
predre ma place sous l’authorité de son Maistre, ne voyant
personne en son dessein qui luy en peust empescher l’entrée
dans vne déroute de ma fortune, que ledit Sieur de Chauigni,
qui estoit consideré dans le Conseil comme homme capable
de gouverner l’Estat auec succez, & s’imaginant qu’il
me faudroit en fin quitter la partie, pour terminer & pour
composer tous les differents, & qu’infailliblement la Reyne
se seruiroit du Sieur de Chauigny, plustost que de personne
pour le maniment des affaires, & qu’ainsi il seroit frustré
de ses vaines esperãces, & en danger d’estre dominé par
son ennemy, qui promet me succeder selon toutes les apparences
du monde, m’accorda la protection de son Maistre



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