Anonyme [1649], LETTRE DV ROY HENRY IV. en Bronze, du Pont neuf, A SON FILS LOVIS XIII. de la Place Royale. , françaisRéférence RIM : M0_2194. Cote locale : A_5_76.
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qui me paroissoit dans les yeux des vns, & la consternation
sur le visage des autres, m’ont fait naistre
l’enuie d’apprendre les causes de tous ces mouuemens :
mais de tous costez ie n’ay entendu que les tristes effets
de la licence du Soldat insolent, lors que la fureur
du General leur permet de rauager la campagne. Les
pauures Païsans se lamentoient pour leurs maisons
bruslées, pillées, & tous leurs biens enleuez par ces
loups rauissans, & deploroient la pitoyable fortune
de leurs enfans, restez de la proye de ces impitoyables,
à qui les meurtres & les violemens seruent de ieux les
plus ordinaires. Vn nombre infiny d’autres miseres
me firent veritablement compassion, & ie fus sur tout
puissamment touché à la veuë de plusieurs innocentes
Religieuses, que sans doute la peur d’esprouuer la
barbarie de l’impie ennemy, obligeoit à quitter leur
retraite, & à se mesler parmy le reste du monde, apres
que leur vœu les en auoit separées. Toutes ces choses,
mon Fils, m’ont d’abord fait craindre, que par vne funeste
aduanture l’ennemy n’eust emporté des aduantages
tres-grands à la ruine de la France ; car que pouuois-ie
soupçonner autre chose, voyant faire leuée de
tant de milice, & la proclamation de nouueaux Chefs,
si ce n’est que nos Soldats & nos Capitaines, cy-deuant
signalez par tant de belles actions, & par tant de victoires
funestes à l’Espagne, auoient succombé, non
sous la vertu, car il ne peut estre, mais par les caballes
& les trahisons des estrangers. Oüy, mon Fils, i’auois
occasion de croire la deffaite de ces fleurissantes armées,
& la mort ou la prise de nos Guerriers, quand


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