Anonyme [1649], LETTRE DE LA FRANCE AVX VRAYS FRANÇOIS SVR LES AFFAIRES DV TEMPS present. , françaisRéférence RIM : M0_1938. Cote locale : C_3_61.
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D’abord que i’appris les nouuelles de vostre discorde,
i’en reçeus vn si grand desplaisir, que ie ne
me sentis point assez de force pour raisonner ny
pour vous escrire. Sans m’enquerir de la iustice, ou
de l’iniustice de vos parties, ie les condamnay tous
deux, & ie suiuis l’exemple des autres Meres qui
foüettent aussi bien l’enfant qui pleure que celuy
qui le fait pleurer. Quelque accoustumée que ie
sois à de pareilles disgraces, il faut aduoüer que iamais
les dissensions de vos autres freres dont la plus
part sont morts, & dont il en reste encore quelques-vns
en vie, ne m’ont esgallement touchée. Quoy
dis ie, est il possible que mes enfans veüillent auiourd’huy
tourner leurs armes contre eux-mesmes,
apres les auoir si glorieusement employées contre
leurs communs ennemis ? Leur donneront-ils cette
satisfaction, que d’estre les instrumens de leur vengeance ?
Quoy lors qu’ils estoient sur le point de
leur faire signer aueuglement les articles d’vne paix
auantageuse, ils s’amuserent à se faire la guerre, &
à se reduire les vns ou les autres dans des extremitez
si honteuses, que possible ils seront contraints de
mendier du secours pour s’entre-deffaire, à ceux
qui ne leur en donneroient iamais que pour cela ?
Voila iustement ce que les Espagnols attendoient
de leur patience, & de nostre promptitude. En effet
la dissimulation, & la contrainte ont vn certain
temps durant lequel elles font passer les hommes
pour tout ce qu’ils veulent passer, mais ce temps à



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