Anonyme [1649], LETTRE DE LA FRANCE AVX VRAYS FRANÇOIS SVR LES AFFAIRES DV TEMPS present. , françaisRéférence RIM : M0_1938. Cote locale : C_3_61.
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mais qu’ils me l’eussent donner sans vostre secours.
Quelle apparence de souffrir plus long temps leurs
abominations ? Comment eussay-ie peu viure auec
des auares, des impies, & des sacrileges, moy qui ay
tousiours eu la reputation d’estre feconde en beaux
enfans, & d’estre sterile en monstres ? Autres fois vn
sainct personnage disoit qu’il ny auoit que moy qui
en fut exempte, mais s’il viuoit à present il changeroit
bien de langage, il pourroit dire auec raison
que ie n’en produis pas seulement, mais qu’encores
tous ceux de l’Afrique sont venus chez moy. Ie sçai
bien que vos freres débauchez ont du cœur, & qu’ils
ne degenerent pas entierement de ce costé là, mais
vous sçauez qu’il y a certains deffauts qui ressemblent
tellement aux perfections, que les personnes
les plus fines ne le sont pas assez pour les distinguer.
La fourberie passe pour prudence, la bassesse pour
humilité, la mauuaise honte pour modestie, l’orgueil
pour courage, & la temerité pour vaillance.
Si vous en voulez sçauoir la raison, consultez la Morale,
elle vous enseignera que les vertus & les vices
ne sont separez que d’vn petit entre deux, & qu’il est
extremement aisé de les mécognoistre. Moy mesme
qui deuois estre la moins trompée dans le iugement
de mes enfans, ie l’auois pourtant este iusqu’icy
plus que beaucoup d’autres, & s’il m’estoit
permis de me resiouyr de vos querelles, ie le ferois
par ce qu’elles m’ont desabusée, & que ie puis main
tenant discerner les bons d’auec les meschans ; &
ceux qui m’aiment d’auec ceux qui me hayssent.

 



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