Anonyme [1649], LES TERREVRS DE MAZARIN, ET LE SECOVRS CHIMERIQVE & imaginaire qui luy vient d’Italie, conduit par le redoutable Capitaine & General Scaramouche. , françaisRéférence RIM : M0_3762. Cote locale : C_10_28.
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pour vous dire en peu de mots, il n’y eut aucun de tous ses Princes qui me
voulut accorder la priere que ie leur faisois, au contraire ils m’appelloient
fourbe, infidelle & ambitieux, & exageroient mille choses contre ma personne
& contre ma façon d’agir, à laquelle aucun ne se pouuoit fier ; Mais
comme les habilles Politiques ont tousiours plusieurs desseins pour arriuer
à vn mesme but, afin que si vn vient à manquer l’autre leur puisse reussir.
Ie despeschay secretement à Rome le Seigneur Cucuba chargé de plusieurs
lettres que i’escriuois aux plus celebres Courtisanes de Rome, à sçauoir
aux Signores Isabella, Hortencia, Lucia, Riciulina, Lauinia, Cassandrina,
la Greca, la Iouuene, Franchisquina, & Lucretia ; sans oublier la fameuse
Checa costa que ie fis venir d’Italie auec plusieurs autres pour representer
ceste longue Tragedie, oû ceste agreable Courtisane representant
Euridice fit tant de postures amoureuses deuant la Reyne & toutes les
Princesses & Dames de la Cour, pour m’obliger à l’aymer auec autant
d’amour comme i’auois fait autre-fois en Italie. I’escriuis aussi à la Signora
Leonora, ceste fine & rusée Chanteuse, qui a esté plus sage que moy, car
apres auoir attrappé beaucoup d’argent à Paris, elle s’en est retournée à
Rome où elle passe son temps auec moins d’inquietude que ie ne fais icy,
& à plusieurs autres dont l’enumeration seroit trop longue à vous faire,
pour les coniurer par nostre ancienne amitié & par les agreables seruices
que ie leur auois rendu, de s’employer en ma faueur enuers tous leurs
galands & fauoris, & leur persuader de s’enroller sous les estendarts de
l’Illustrissime Signor Scaramouche, auquel mon Agent rendit de ma part
les dépesches que ie luy faisois & à plusieurs de mes autres amis, le priant
d’accepter la charge de General de l’Armée, laquelle ie le cõiurois de leuer
le plus prõptement qu’il seroit possible ; ie luy enuoyois plusieurs cõmissiõs
en blanc, pour les remplir & les distribuer à des gens de cœur ; & en mesme
temps ie luy donnay aduis que i’auois commãdé par mes lettres au Signor
Flauio qui fait mes affaires à Rome, de luy deliurer tout l’argent qui seroit
necessaire ausdites leuées. Le Signor Scaramouche ayant receu mes lettres
tesmoigna qu’il estoit raui de l’honneur que ie luy faisois & tout incontinent
pour ne perdre point de temps fit assembler tous ses principaux amis ;
au courage & à l’experiãce desquels il se fioit le plus ; & apres vne harangue
à bastons rompus telle qu’il auoit accoustumé de faire sur les theatres de
la Salle du petit Bourbon & sur ceux du Palais Cardinal, il leur fit connoistre
l’extreme danger où le Signor Iule Mazarin leur ancien ami & cõfederé
se trouuoit à present reduit en Frãce, qu’il les prioit donc de se disposer à le
venir secourir ; à quoy tous ces illustres compagnons ayant tesmoigné
bonne volonté, il leur départit des commissions pour faire plusieurs Regimens
de Caualerie & d’Infanterie ; & afin que vostre curiosité soit satisfaite,
ce dit Mazarin à ces Messieurs (qui l’escoutoient auec estonnement
& compassion) ie m’en vay vous nommer les principaux officiers de cette
redoutable armée.

 

Premierement l’illustrissime & vaillant Signor Scaramuchia est le General.



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