Anonyme [1649 [?]], LES SOVHAITS DE LA FRANCE A M. MONSEIGNEVR LE DVC D’ANGOVLESME. , françaisRéférence RIM : M0_3700. Cote locale : A_7_36.
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que le desordre soit monté à vn excez qui le rende irreparable.

 

Faites, GRAND PRINCE, qu’vn fauorable accord ou vne heureuse
Amnistie preuienne vne infinité de pillages, d’incendies, de
sacrileges, de violemens, de meurtres, de larcins, & de tant d’autres
meschancetez qui sont en vsage, & que la guerre ciuile pratique ?
Et dans les mal-heurs dont l’auenir nous menace, faites voir
qu’il est aussi dangereux de vaincre que d’estre vaincu, puis que les
victorieux ne remporteronr que de funestes trophées, & des déplaisirs
immortels, d’auoir combattu les vns contre les autres.

Vostre ALTESSE qui est issuë de l’Illustre Tige des Valois, &
qui a porté les armes & trauaillé puissamment à soustenir la gloire
& l’establissement des Bourbons, vous n’ignorez pas combien la
guerre fait de miserables, & iusques où peut aller la licence & l’impunité
du soldat ; & encore en cette pitoyable occasion, où le pere
est contre le fils, où vn frere medite la mort de l’autre, & où tous
les parens ne pensent qu’à se defaire de leurs plus proches.

Enfin, que reuiendroit-il du sac & de la ruine de la plus belle &
florissante Ville du monde, & qui est celuy qui n’en detesteroit point
la solitude. Perdre les Parisiens, n’est-ce pas perdre les plus fidelles
& plus passionnez sujets de ce Royaume. Dans vn mal-heur general,
ne sont-il pas capables de seruir vtilement, & il n’y en a peut-estre
pas vn qui n’ait assez de force & de courage pour prodiguer sa
vie, & respandre son sang pour vn Roy, s’il est estoit attaqué auec
perte ou desauantage ; comme il arriua lors que les ennemis s’emparerent
de Corbie, & des autres villes frontieres, lors qu’ils porterent
le fer & le feu dans toute la Picardie, & lors qu’ils donnerent
l’espouuente & la terreur à tous les François.

C’est cette puissante & superbe Ville qui fit vn effort digne d’elle,
& qui donna moyen au feu Roy de couurir vne faute, & de reparer
l’imprudence du Cardinal de Richelieu, qui auoit laissé cette
partie de l’Estat trop à découuert. En effet, les Espagnols mesme
parlant de cette Ville, se sont assez fait entendre quand ils ont publié
hautement ; Vrbs præuallet orbi : Qve c’estoit vn prodige & vne
merueille de la nature, par le moyen de laquelle mes Roïs peuuent
à meilleur tiltre, se dire Monarques, que non pas les Assyriens, les
Medes, les Perses, les Grecs & les Romains, puis qu’elle est capable
de leur ouurir le chemin & la conqueste de l’Vniuers.

Mais ce qui est admirable, elle ne veut point faire connoistre sa
force & sa puissãce que pour le seruice de son Prince & de sa Patrie ;



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