Anonyme [1649], LES SENTIMENS D’ARISTIDE, Sur les affaires Publiques. , françaisRéférence RIM : M0_3647. Cote locale : A_7_21.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 6 --

Royaume : en sorte que sans la despense qui paroist, les Comptans de deux
années se montent à cent six millions, ce qui est presque incroyable, tant de
charges ; & de subsides ayant en fin accablé le peuple auiourdhuy reduit à
vne extréme necessité.

 

Au liu. 2. chap, 1. & au liu. 3. chap. 3. ce Politique Florentin, dit Qu’il
est bon de tenir les Peuples en diuision, & de faire mourir les amateurs du
bien Public, & remarque à ce propos pour vne grande faute en la Politique
de ce que Tarquin dernier Roy de Rome, ne fit pas tuer Brutus.

Cette maxime est toute tyrannique, & les Historiens remarquent que
lorsque Tarquin changea la domination Royale, en vne domination violente,
il vint à mespriser la Noblesse, les Patriciens & le peuple corrompit
la Iustice, osta l’authorité au Senat qu’il auoit tousiours euë, faisoit perir ceux
qui se plaignoient du desordre, & mourir plusieurs grands & notables personnages
seuerement & sans forme de Iustice, imposoit des tribus extraordinaires
sur le peuple, & ruïnoit tout ce qui estoit dans l’estenduë de l’Empire.

Nostre Cardinal n’a rien oublié de tout cela, les impositions de toutes sortes,
les proscriptions des plus gens de bien, & leur mort secrette, en fournissent
vne preuue bien authentique, il s’est mocqué des plaintes & des gemissemens
des pauures, de toutes les remonstrances qui ont esté faites, & semble
qu’il ait voulu rehausser l’esclat de sa pourpre du Sang du pauure peuple.

Ce fidelle imitateur de la doctrine de Machiauel, a suiuy encore ce precepte
qui se trouue au liu. 2. ch. 13. & 18. du Prince, & au liu. 1. chap. 42. des
discours : Qu’on doit s’estudier à manier les esprits pour les tromper, & qu’on ne
doit craindre pour cét effet de se pariurer & dissimuler ; ce que le Cardinal
a pratiqué, & practique encores auiourd’huy fort exactement.

Mais il faut voir si dans son dessein mesmes il ne s’est point mesconté, lors
que le Parlement voulut arrester les desordres de l’Estat ; ce qui donna lieu
aux Barricades, fut qu’au preiudice d’vne Conference commencée, & au
iour d’vne Feste de reioüyssance publique, on enleua violemment deux des
principaux Senateurs, zelez au bien public, & encores au mesme tẽps qu’on
auoit enuoyé chez l’vn pour l’auertir de se trouuer au lieu assigné : ce qui
s’est passé iusques à la Declaration du mois d’Octobre dernier, a esté conduit
d’vn mesme Esprit, & comme il a veu qu’il ne pouuoit effectuer ce qu’il s’estoit
promis ny empescher l’effet de cette Declaration, qui en quelque sorte
arrestoit le cours du plus grãd mal : dans la plus rude saison, il enleua le Roy
de nuict, & accuse le Parlement de l’auoir voulu liurer aux Ennemis de l’Estat.
Paris est bloqué ; & on fait ce qu’on peut pour ruïner cette grande Ville.
Si le dessein eust reüssi Paris seroit bruslé, & tous les Habitans se seroient
massacrez les vns & les autres : ce qui s’est fait és enuirons de Paris, & à lesgard
de tant d’ames innocentes fait assez iuger quelle estoit l’intention pour
le dedans.

Encores que les Estats, & la societé humaine ne puissent subsister sans la
Foy, Machiauel enseigne le contraire. Tacite remarque, & l’Histoire nous
apprend combien l’obseruatiõ de la parole & les traitez de bõne foy ont seruy
aux Romains qui en estoient Religieux obseruateurs, & qui tenoient
pour vne maxime inuiolable, que la foy ne veut estre ny violée, ny suspecte,



page précédent(e)

page suivant(e)