Anonyme [1649], LES SENTIMENS D’ARISTIDE, Sur les affaires Publiques. , françaisRéférence RIM : M0_3647. Cote locale : A_7_21.
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essuyé toutes les larmes qu’il auoit fait répandre, & qu’vne paix glorieuse
eust esteint la haine des peuples, & couronné toutes ses actions.

 

Ceste premiere faute de n’auoir pas changé les principaux Ministres a esté
suiuie d’vne autre, qui n’est pas moins dangereuse, en retenant vn premier
Ministre, non seulement odieux, mais estranger : car ceste maxime est tousjours
vraye qu’il arriue de grands desordres quand on remet l’administration
d’vn Estat entre les mains d’vn Estranger. Toutes les histoires sont
pleines des malheurs qui sont arriuez aux peuples par des Estrãgers. En 558.
vn Chancelier Estranger dans le Royaume de Sicile fut cause que tous les
François y furent massacrez, & ie diray en passant que les historiens remarquent
que les Italiens ont tousiours esté fort enclins à massacrer les François,
tesmoin encores les Vespres Siciliennes qu’on n’oubliera iamais.
Apres la Paix faite entre Iean Roy de France, & Edoüard Roy d’Angleterre
pour auoir voulu mettre des Anglois dans les premieres charges de l’Aquitaine,
le Roy d’Angleterre perdit par ceste mauuaise conduite tout ce
qu’il auoit gagné en la iournée de Poitiers. Iean Duc de Bretagne perdit son
pays pour auoir preferé des Estrangers à ses suiets : Le Roy Charles VIII.
esprouua bien ceste verité au voyage de Naples, & perdit ce Royaume qu’il
pouuoit conseruer en France. En 607. vn Maire du Palais estranger introduit
par vne Reyne étrangere, fut la cause d’vne guerre ciuile : la mesme
chose arriua du temps de Louys le Debonnaire, à cause d’vn certain Espagnol
nommé Berard, & de tels exemples on pourroit faire de iustes volumes.
Tristes effets d’vne mesme cause, qu’on doit bien éuiter, puis qu’ils sont
tousiours funestes & malheureux.

Et combien que les affaires de cét Estat ne se puissent conduire par les maximes
de Machiauel, parce que les François ayment bien leurs Roys par
dessus toutes choses ; mais ils peuuent moins souffrir qu’aucune autre nation
vn Ministre Estranger & Tyran. Toutesfois le Cardinal Mazarin a obserué
ponctuellement ses maximes, seule cause de nos desordres, mais qui le seront
infailliblement de sa perte.

Machiauel en plusieurs endroits de ses discours, particulierement au liu.
1. chap. 1 & au liu. 2. ch. 7. & au liu. 3. ch. 16. auance ceste maxime, Que
pour se maintenir en credit, il faut abbaisser le peuple, & le tenir pauure ; maxime
qui a dépoüillé plusieurs Roys de leurs Royaumes. Le fils de Salomon en
perdit les dix parts, & Chilperic fut chassé pour ce sujet. Certainement la
force du Prince consiste en la richesse de son pays, c’est ce qui rend vn Estat
fort & puissant, & pour se conseruer & pour s’accroistre. Le Thresor des
Roys est de conseruer leurs Richesses entre les mains, & dans la bourse de
leurs Sujets : Et il est si peu iuste qu’vn Ministre d’Estat, & vne centaine de
voleurs apres luy, Partisans, presteurs volontaires, ou vsuriers, emportent
toutes les Finances que la vraye Politique enseigne, que les Roys ne doiuent
pas mesme amasser dans leurs Espargnes de grands thresors, si ce n’est pour
quelque grand dessein. Le thresor de soixante millions d’or que laissa Tybere
perdit Caligula ; & celuy de Charles le Sage diuisa les freres, & fut cause
d’vne guerre ciuile. Le Cardinal Mazarin a suiuy Machiauel, non seulement
pour se maintenir en credit, mais pour auoir la dépoüille de tout vn



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