Anonyme [1652], LES REGRETS DE MADAME LA DVCHESSE DE NEMOVRS, Sur la mort du Duc son Mary. , françaisRéférence RIM : M0_3082. Cote locale : E_1_74.
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Ie voy ce que i’aymois détruit par ce que i’ayme,
Mes iours restent d’ombres couuerts,
Vn espoux sans pareil est le bien que ie perds,
Et mon cœur est enfin separé de moy-mesme.

 

 


Ciel qui voyez ma perte & mon ressentiment,
Icy vostre fureur agit impuissamment.
D’epuiser tous ses traits ma foiblesse est indigne,
Ie succombe à de si grands coups,
Mais ie sçay comme il faut tromper vostre courroux,
Puis qu’à toutes vos loix mon ame se resigne.

 

 


Donc que feray-ie honneur, respect, amour, deuoir,
Mais rendons grace au Ciel de manquer de pouuoir,
Sauuons de mon espoux la moitié qui nous reste,
Et nous abysmans dans le dueїl,
Enseuelissons nous dans vn mesme cercueil,
Et pleurons à iamais vn mal-heur si funeste.

 

 


Elle eust continüé ce lugubre discours :
Mais ses pleurs, de sa plainte interrompans le cours,
Et suffoquans sa voix dans sa bouche impuissante,
Firent qu’elle resta, plus morte que viuante,
Et que comme Niobe, on creut à l’approcher,
Qu’on la verroit bien-tost conuertie en rocher.
Enfin ayant vaincu sa foiblesse premiere,
Ce bel astre a repris tant soit peu de lumiere,
Comparable à ces feus que le Ciel reproduit,

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