Anonyme [1652], LES REGRETS DE MADAME LA DVCHESSE DE NEMOVRS, Sur la mort du Duc son Mary. , françaisRéférence RIM : M0_3082. Cote locale : E_1_74.
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Mon sang de mon amour s’est rendu l’homicide,
Et pour me priuer de soustien,
L’amour du genre humain ayant destruit le mien,
I’esprouue vn sort cruel, autant qu’il est perfide.

 

 


Ouy, cher frere, ie sçay que de tous les mortels,
T’on astre t’a rendu le plus digne d’autels,
Et que le genre humain te nomme ses delices :
Aussi mon plus grand desespoir,
Et toute ma douleur, naist auiourd’huy de voir,
Que tu fois le sujet de mes cruëls supplices.

 

 


Mais bien qu’en mon espoux ie sois morte à demy,
Quand ie te veux haїr ou traitter d’ennemy,
La nature s’oppose à ma foible vengeance,
La raison combat mon dessein,
Ie croy faire la guerre à tout le genre humain,
Et voir tout l’Vniuers s’armer pour ta deffence.

 

 


Ie croy voir contre moy tout Paris alarmé,
Témoigner en faueur d’vn objet tant aymé,
Ce que peut la fureur d’vn peuple qui s’emporte.
Ce penser me comble d’effroy,
Ma douleur qui se taist cherche vn plus doux employ,
Et s’impure à bon-heur de n’estre la plus forte.

 

 


Mais mon ressentiment se rendroit criminel,
Si ie le trahissois à l’amour fraternel,

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