Anonyme [1649], EXHORTATION DE LA PVCELLE D’ORLEANS, A TOVS LES PRINCES DE LA TERRE, DE FAIRE vne Paix generale tous ensemble, pour venger la mort du Roy d’Angleterre, par vne guerre toute particuliere. , françaisRéférence RIM : M0_1329. Cote locale : C_7_82.
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d’vne si grande fortune, ne vous touchent-ils point ?
Ha il faudroit estre insensibles, pour n’estre point émeus à l’aspect
de tant de tristesse. Tant de millions de braues Soldats,
lesquels ont tous perdu la vie pour la defense de leur Roy, que
depuis les Anglois ont tué, ne se representent-ils point aux
yeux dé vostre souuenir ? Que si la Iustice qui vous parle par ma
bouche, ne peut obtenir cette requeste de vos armes ; que la
crainte du moins qu’on ne vous en fasse tout autant, vous les
mette entre les mains. Hé en quelle asseurance suprémes
Puissances de la terre, pensez-vous que les autres Roys puissent
viure parmy les Peuples, puisque ces loups d’Anglois ont bien
osé d’vne fureur enragée, exercer vne cruauté si brutale en la
personne d’vn Roy, allié si estroitement à la France, qu’ils sçauent
aymer si tendrement ses Roys ? La France fait bien tant
d’estat des Roys, qu’elle pardonne mesme aux criminels sortis
de sang Royal. Si vous souffrez ce crime execrable, la mort des
Roys ne sera qu’vn jeu commun, & vn moyen aux Peuples brutaux,
pour se retirer de l’obeyssance de leurs Souuerains : de
laquelle ils ne se pourront soustraire, sans leur rauir la vie. Les
venerables droicts des personnes sacrées, autrefois tout à fait
inuiolables, ne pourront doresnauant rendre vn Prince asseuré
au milieu de son Peuple. Si nous aymons tant nos Peres, que
Solon n’ait voulu qu’en sa Republique on ordonnast aucun supplice
contre les parricides ; ne pensant pas qu’aucun de ses Citoyens
conceust iamais tant de rage qu’il vint à commettre vn
tel crime, que deuons-nous à nos Roys ? Et en effet, il n’entre
pas dans le sens commun des hommes, qu’aucun puisse se
resoudre de donner la mort à celuy duquel il tient la vie. Publius
Malleolus fut le premier dans Rome, qui contre le droict de nature,
viola ce droict sacré par la mort de sa mere : mais la punition
exemplaire suiuit de prés ce coup d’enfer. Par la Loy des
Anciens, il fut fouëtté auec des Verges destinées pour tel supplice :
puis apres il fut jetté dans la mer cousu dans vn sac, accompagné
d’vn Cocq, d’vne Vipere, & d’vn Singe, ainsi que
dit Tite-Liue liure 48 comme vne personne indigne estant vif
de regarder le Ciel, & estant mort d’estre enseuely en terre.
Depuis ce temps-là ce supplice sembla trop doux aux Romains,


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