Anonyme [1649], LES EXEMPLES POLITIQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1326. Cote locale : A_3_29.
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iamais l’Estat auec toute la passion, comme il se fait par vn
Citoyen naturel : car le plus grand de ses soins est d’esleuer
sa maison, d’accumuler des thresors, & de faire sa retraite
quand il n’y aura plus rien à prẽdre pour luy dans le Royaume.
Les Conseillers, dit Thucidide, qui sont estrangers, ne
trauaillent iamais au bien, rarement aux choses qui regardent
le salut public, n’estant passionné que pour les affaires
particulieres, que si il traite de quelque chose pour l’Estat,
c’est auec beaucoup d’indifference, c’est pourquoy ces fameux
Politiques les appellent, arbitres interessez, qui
croyent que les peuples doiuent beaucoup de graces & de
bien faits à leurs grands trauaux. Vn Prince, dit Tacite, instruit
plustost aux coustumes estrangeres, qu’à celles de son
Royaume, ne sera pas non seulement suspect aux peuples :
mais il passera tousiours pour fascheux & mal-faisant : Ce
que cét Autheur dit d’vn Prince, il le faut entendre d’vn Ministre
esgalement, parce que bien qu’il y ait de la difference
dans le caractere, il n’y en a presque point dans le pouuoir.

 

Cette authorité de Tacite me fait pousser tousiours à ce
raisonnement, qu’vn Estranger ne peut estre en seureté contre
la deffiance naturelle des peuples, ny contre la jalousie
des Grands, si premierement il ne se fortifie de gardes, s’il
ne dispose des meilleures places, s’il ne change les Magistrats,
s’il ne se rend maistre des charges Seculieres & dignitez
Ecclesiastiques, afin d’en faire des creatures en les donnant,
ostant le credit aux Citoyens, pour y establir ses compatriotes.
Voyez si toutes ces pratiques se peuuent souffrir
sans murmurer.

Enfin c’est vne chose honteuse à la France, que l’on peut
dire la Mere nourrice des beaux esprits, capable des plus
grandes affaires du monde, de se voir quelquesfois sousmise
au pouuoir des Estrangers. Ie puis dire, que ceux qui sont ce
choix monstrent éuidemment leurs foiblesses & peu d’amitié
pour les peuples, au mespris mesmes de l’Estat. Les



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