Anonyme [1649], LES DOVCEVRS DE LA PAIX, ET LES HORREVRS DE LA GVERRE. , françaisRéférence RIM : M0_1173. Cote locale : B_20_8.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 4 --

ne sçauroit subsister. Celle des hommes outre ces considerations
generales, & ces frayeurs si violantes & si naturelles ;
regarde la mort auec des horreurs, qui ne sont pas
moins estranges pour luy estre particulieres. Quand elle apperçoit
cet obiet effroyable, elle se souuient incontinent
des crimes qu’elle a commis, & de cet arrest irreuocable
de la Iustice diuine, qui condamne l’homme
pecheur à mourir. C’est ce qui fait que les hommes les plus
perdus dans leurs vices quant ils vont au combat, sentent
se ioindre aux frissons du corps, les troubles & confusions
de l’ame, & redoubler tout à la fois la cheute qui precipitant
de la vie au tombeau, iette encore du tombeau dans
l’abysme. Ceux mesmes qui n’ont pas des frayeurs si profondes,
& qui esperans en la misericorde diuine, souhaittent de
passer cette perilleuse carriere ; ne laissent pas de sentir quelques
terreurs se méler parmy leurs desirs. L’image du trépas
les trouble, & quoy que toute la rigueur en soit ostée, pource
que sa laideur demeure, & qu’il porte tousiours imprimées
les marques de l’ire de Dieu ; il effraye & met d’abord
en allarme les plus saints & les plus genereux esprits. Iesus-Christ
mesme semble en auoir apprehendé les approches, &
par vn si fameux exemple auoir voulu en iustifier les sentimens,
puis que luy mesme les auoit soufferts.

 

Si la mort donc cause des craintes si vniuerselles, & qu’elle
ne regne en nulle autre occasion si souuerainement qu’en
la guerre. Qui pourroit ne pas hayr ce furieux & ce boüillant
exercice ; où l’on void terriblement marcher de toutes
parts, cette fatale meurtriere, & cette ennemie irreconciliable,
de laquelle il est si difficile d’échaper, lors mesmes
qu’elle ne semble pas courre apres nous. Qu’elle ame auide
de sang & de carnage, ne fremiroit pas dans ces occasions
ou le trépas se rencontre à la pointe de l’espée, des picques,
des halebardes, ou il vomit sa fureur par la bouche des pistolets,
des mousquets, & des canons ; où l’on void éclatter sa
rage aux bombes, aux mines & aux grenades. L’air, la terre,
& la mer en tremblent bien souuent, & quelquesfois les
nuës de crainte en sont dissipées.



page précédent(e)

page suivant(e)