Anonyme [1649], LES DOVCEVRS DE LA PAIX, ET LES HORREVRS DE LA GVERRE. , françaisRéférence RIM : M0_1173. Cote locale : B_20_8.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 9 --

auant dans les ouuertures de ces veritez si nous voulons.

 

Par là nous verrons que la gloire d’vn Alexandre, qui
s’estimoit estre quelque diuinité, & de tant d’autres qui
ont à force d’assassiner des hommes, de brûler des villes, de
desoler des Prouinces & des Royaumes monte à ce poinct
de grandeur, auquel on les a iugez resider, n’estoit qu’vne
fausse gloire sans fondement, & sans solidité. S’il n’y a rien
mieux à nous que ce qui nous est volontairement donné,
quel honneur possedoient-ils qui leur fust legitime ? puis
qu’au lieu de l’auoir receu, ils l’auoient vaillamment vsurpé,
& se l’estoient tyranniquement fait accorder, ils l’auoient
arraché de la pointe de leurs espées, & comme les
plus barbares brigans auoient assassiné des hommes pour
le leur voler.

La paix nous donne des estimes bien plus pures, & bien
moins tachées ; la gloire qu’on acquiert à sa faueur estant
sans violẽce brille d’vn éclat bien plus beau, & bien plus innocẽt ;
c’est de cet éclat dont brilloit Salomon, qui n’ayant
point esté conquis dans les batailles, mais estant vne suite
de profonde paix, luy estoit volontairement accordé par
toute la terre : Comme elle est la fille du Dieu des lumieres,
elle est vne production sans soüilleure, qui n’engendre rien
qui ne soit tres-net. Ses ouurages n’ont rien de tragique,
l’horreur, le carnage, & le sang ne la suiuent point. C’est
par elle que la nature entretient tous ses estres, dans cette
harmonie incomparable, qui donne aux sages tant de contentement
& d’amour. C’est par elle que Dieu débroüillant
le chaos & la masse premiere de toutes choses, crea tout
ce grand Vniuers. Elle est cette eternelle ouuriere qui trauaille
sans cesse, & qui enrichit le monde de ses ouurages :
autant que la guerre son ennemie l’en desole & l’en appauurit.
Tellement que nous la pouuons nommer en quelque
sorte vne diuinité, qui se plaist à produire, & qui ne se lasse
iamais de faire du bien. Sous le regne de ce Salomon qui
fut si pacifique, quels beaux ouurages ne fit-elle pas. Si
nous auions quelques restes des belles choses, qu’en ce
temps-là l’on luy vit produire, nous serions forcez de les admirer.



page précédent(e)

page suivant(e)