Anonyme [1649], LES CONTENS ET MESCONTENS, SVR LE SVIET DV TEMPS. , français, latinRéférence RIM : M0_782. Cote locale : C_1_35.
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Voyez vn peu cette Reyne de carte, qui se carre comme vn pou sur vn tignon,
& depuis quand és tu si releué, és Madame, ie croy que deuant le siege
de Corbie tu n’estois pas si glorieuse, il a bien plû dans ton escuelle depuis ce
temps là, mort de ma vie, ie t’ay veu biẽ pietre aussi bien que moy, ce n’est pas
d’auiourd’huy que ie te connois, tu dois bien remercier ceux qui sont cause
de la guerre, & prier Dieu que Paris soit tousiours comme il est ; Ouy Messieurs
a-t’il dit se retournant deuers le peuple, ce sont des Monopoleurs qui
tirent tout l’argent de Paris, à vendre leurs diables d’armes, qui ne seruent
qu’à faire tuer le monde, & tel que vous me voyez ie me suis veu, & ie deurois
estre plus qu’eux ; mais cette guerre m’a ruiné aussi bien que beaucoup
d’autres, & il n’y a que ces canailles qui en font leur profit : quelques voisins
prenant la parole pour l’Armuriere, or tappellé cette hõme seditieux, & que
s’il n’estoit pas à son ayse qu’il s’en prit à ceux qu’il auoient ruiné, qu’au reste
le bien des marchands ne luy deuoit rien, qu’il feroit bien de se retirer, & disant
cela l’ont vn peu poussé par les espaules, cette rudesse l’amis tout à fait
des-hors, & comme il s’est veu supporté de beaucoup d’autres qui s’étoient
rangez de son costé, il s’est mis à declamer tout haut ; que c’estoit vne
pitié de voir des coquins mal-traicter des honnestes gens, que c’estoit des
traitres dans Paris, qu’ils estoient cause de la continuë de la guerre, & quel’on
feroit bien de se jetter sur leur fripperie, & de piller leur maison, à cebruit le
monde s’est attroupé plus qu’auparauant, & toute cette multitude s’est diuisee
en deux partys contraires, de Contens & de Mescontens : Au party des
Contens qui estoit celuy de l’Armurier, se sont ioints quelques Marchands
du Palais, Clinqualliers, Bahutiers, faiseurs de malles, valises & foureaux de
pistolets, Paticiers, Boulangers, Meusniers, Bouchers, Espiciers, Charcuitiers,
Fourbisseurs, Armuriers ou faiseurs de pistolets, vsuriers & presteurs sur
gages, Cordonniers, Imprimeurs, Cabaretiers, Colpoteurs & Vendeurs de
rogatons, Maquignons, Pannachers, faiseurs de baudriers, vendeurs de poudre
& de balles, Officiers de guerre, & Caualiers, & bref tous ceux à qui la guerre
peut apporter plus de profit que la paix, & qui se maintiennent mieux dans
les troubles que dans l’Estat tranquille des affaires.

Celuy des mescontens beaucoup plus grand & plus puissant que l’autre,
s’est fortifié tout à coup de quantité d’artisans, comme Peintres, Architectes,
Sculpteurs Graueurs, Horlogeurs, Menuisiers, Massons, Relieurs, Libraires,
Marchands de soye, Lingers, Prestres, Passementiers, Rubaniers, Lutiers, Musiciens,
Violons, Rotisseurs, Harangeres, Chaudroniers, Aduocats, Procureurs,
Solliciteurs, Sergens à Cheual & à Verge, Miroüettiers, Esguilletiers,
Espingliers, Ioualliers, vẽdeurs de babiolles, Tabletiers, Serruriers, Fondeurs,
vendeurs d’Euantails & d’Escrans, Teinturiers, Blanchisseurs, Macreaux, Putains,
& toutes sortes de gens que l’Estat des affaires presentes a mis, & met
encor tous les iours au berniquet, & qui ne sçauent plus la pluspart de quels
bois faire flesche ; Vous les distinguerez facilement si vous voulez les escouter
vn moment par les raisons qu’ils apportent, ou plustost les iniures qu’ils se
chantent les vns aux autres.

Cet entretien fut interrompu par vn grand cry, qui s’esleua dans la troupe



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