Anonyme [1652], LES CONFERANCES DV CARDINAL MAZARIN AVEC VN DE SES PLVS GRANDS CONFIDENTS, TENVES A S. DENIS EN FRANCE auant son depart, I. Il represente toute l’histoire de sa vie, depuis son arriuée en France iusques à present. II. Les trauerses qui luy sont arriuez, tant par Messieurs les Princes, que des iugemens contre luy rendus par Messieurs de Parlement. III. Les deffences qu’il a exercée, & exercent contre ceux qui luy en veulent. Ensemble les responses du Confident du Cardinal Mazarin, luy representant les malheurs qui luy pourroient arriuer cy-apres, sur toutes les articles par luy proposée en ces rencontres. , françaisRéférence RIM : M0_746. Cote locale : B_11_35.
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moy pour tirer les marrons du feu ; & pour preuue de tout
cela, j’ay demandé cent fois à m’en aller.

 

Response Mais, Monseigneur, me pardonnerez-vous, si
pour mieux conduire l’affaire ie choque vn peu vos sentimens,
& ie vous dis librement les miens ?

Le Cardinal. Monsieur, si ie pensois que vous vous contraignissiez
le moins du monde, ie ne vous ouurirois pas ainsi
mon cœur, c’est plustost pour me conseiller auecques vous,
que pour autre chose que ie vous ay mandé.

Response. Vous me permettrez donc de vous dire, Monseigneur,
que si ie commence par où vous desirez, que ce
sera le moyen de tout gaster, d’autant que soit qu’il soit vray
ou non) tout le monde tient pour chose asseurée, que vostre
rare esprit estoit de ces suprémes intelligences qui donnent
le bransle au premier mobile, & que les Princes de vostre
party, quoy que tres excellens pour l’execution, faisoient
gloire de se regler sur la lumiere & la solidité de vos conseils ?

Le Cardinal. Mais quelle asseurance ont ils de cela.

Response. Que voulez vous que ie vous dise ? Si ie leur replique
cela, ils me diront que c’est par leur malignité qu’ils
connoissent vos conseils, tant ils sont coiffez de la mauuaise
opinion de vostre Eminence ?

Le Cardinal. Hé bien, il n’est pas bon d’aigrir cette humeur
là, c’est vne estrange beste que le peuple, il y a de certaines
saisons où il luy faut accorder tout. Pour moy ie suis
dans vn estat où il faut que ie me contraigne vn peu, & mesle
la peau du Renard à celle du Lyon.

Response Monseigneur, tout cela ne seruira de rien, i’aimerois
mieux, si vous me faites l’honneur de me croire, leur
representer rondement mes raisons, & tascher de me iustifier
s’il est possible ?

Le Cardinal. Vous direz bien, mais encore faut-il se reconcilier
les esprits des Iuges, & leur dire comme ie suis leur tres-humble
seruiteur, qu’il n’est rien en mon pouuoir que ie ne
fasse pour eux, & que mesme la Reyne me veut mal que ie
prends trop leur party.



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