Anonyme [1652], LES CONFERANCES DV CARDINAL MAZARIN AVEC VN DE SES PLVS GRANDS CONFIDENTS, TENVES A S. DENIS EN FRANCE auant son depart, I. Il represente toute l’histoire de sa vie, depuis son arriuée en France iusques à present. II. Les trauerses qui luy sont arriuez, tant par Messieurs les Princes, que des iugemens contre luy rendus par Messieurs de Parlement. III. Les deffences qu’il a exercée, & exercent contre ceux qui luy en veulent. Ensemble les responses du Confident du Cardinal Mazarin, luy representant les malheurs qui luy pourroient arriuer cy-apres, sur toutes les articles par luy proposée en ces rencontres. , françaisRéférence RIM : M0_746. Cote locale : B_11_35.
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Dieu si déplorable, n’est il pas bon de la terminer bien-tost
par de glorieuses conquestes ?

 

le Cardinal. Que vous entendez mal la Politique. Ce
n’est pas mon but de pousser les conquestes de la France
plus auant, & quand ie le voudrois ie ne le pourrois
pas. La raison de cela est, que la France & la Maison
d’Austriche sont les deux Poles, sur lesquels repose toute
la tranquillité de l’Europe, pourueu que leurs puissances
soient égales. Et c’est dans ce contre poids que
les autres petits Estats trouuent leur seureté, de là vient
qu’ils se rengent toûsiours du costé du plus foible. Car
si la France auoit subiugué l’Espagne, ou l’Espagne la
France, les autres petites Souuerainetez viendroient
d’elles mesme se rendre au vainqueur Témoins les
Hollandois qui nous ont abandonné, tesmoins les Suisses
qui n’ont iamais voulu permettre de nous rendre
maistres de la Franche Comté, & tesmoin enfin l’eschoüement
de l’ambition d’Espagne, qui a pretendu
vainement à la Monarchie vniuerselle.

Response. Il me semble, Monseigneur, que ces raisons
vous deuoient auoir obligé à faire la paix, puisque
la guerre n’est plus de saison lors qu’on ne peut
plus conquerir.

le Cardinal. Les armes sont aussi faites pour se defendre.

Response. Vous auiez mis, Monseigneur, par vos
sages conseils, la France en vn estat de donner de la
terreur à ses ennemis, plustost que de les craindre.

le Cardinal. Tant plus vn Estat a moins à craindre au
dehors, tant plus a-t’il à craindre au dedans. Ie ne veux
point d’autre exemple que l’Angleterre, qui a fait comme
ces vins fumeux qui creurent le tonneau, & se perdent
faute de leuer le bondon. Si le Roy de la Grand’Bretagne
eust donné air à ce sang renfermé dans vne
Isle inaccessible, il n’eust pas esprouué les mal-heurs,
sous lesquels il est accablé auiourd’huy.



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