Anonyme [1649], LE ZELE ET L’AMOVR DES PARISIENS ENVERS LEVR ROY. , françaisRéférence RIM : M0_4082. Cote locale : A_5_21.
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La Souueraineté est vn droict à qui tout obeyt, & à qui rien ne resiste ;
& comme dans les Republiques, il se doit necessairement trouuer quelque
chose de cette nature, la Souueraineté ne s’en sçauroit bannir. Si ces villes
qui se gouuernent par la voye des Sages, ou des peuples, ou des peuples &
des Sages ensemble, n’auoient rien de Souuerain ; leurs loix ne seroient pas
loix, ce seroient plutost des chansons. Ce qui donne authorité à leurs Ordonnances,
c’est vne Souueraineté inuisible, qui se fait sentir sans se faire
voir. Mais tousiours c’est vne Souueraineté : & quoy qu’elle ne subsiste
pas dans le nom, c’est assez qu’elle subsiste dans la chose.

Cette Monarchie ou visible ou occulte, quoy que l’on puisse dire, regne
par tout. Les maisons particulieres la reconnoissent aussi bien comme les
Empires : Le chef de famille represente le Souuerain. Ie ne diray point
que les animaux irraisonnables par vn instinct de la nature, souuent moins
fautif que la raison ; suiueut cét ordre & reconnoissent des Rois. Passons
plus loing : montons plus haut, & disons que toute la nature ensemble adore
vn Monarque vniuersel ; ce grand Dieu tout puissant, au dessus de qui
rien ne se trouue, & sous qui toute la terre obeït.

Apres cela, ie ne croy pas qu’on voulut dire qu’il y ait quelque chose au
monde exempt du pouuoir Souuerain. S’il s’en trouuoit quelqu’vne, elle
seroit errante & vagabonde ; faute de conduite elle se perdroit. C’est à ce
point que tout le Gouuernement politique s’aboutit, comme à son centre ;
c’est la base & le fondement de tous les Estats.

Aussi Dieu donne aux personnes qui le possedent des forces extraordinaires
pour appuyer bien vn faix pesant. Il imprime dans l’ame des Rois de
certains mouuemens de grace, qui les rendent quelque chose de plus que
les autres hommes. Quand il voulut faire Roy Saül, il l’inspira de son esprit,
& luy changea les mouuemens du cœur. Il donna à Dauid vne saincteté
extreme, & à Salomon vne Sapience incomparable. Ces qualitez mesmes
interieures, ietrent sur le visage vn esclat exterieur, qui les rend plus Maiestueux
que le commun.

Ainsi quand mesme ce ne seroient pas les deffenseurs & les Peres des
peuples, leurs belles qualitez les feroient cherir. Le nom mesme de Roy a
quelque charme inéuitable qu’on ayme : & le son tout seul en est doux,
iusques au point de charmer les cœurs les plus durs. Il n’y a iamais eu que
les seuls Romains à qui ce nom ait donné de la hayne : tous les autres peuples
de la terre en ont receu de l’amour. Mais leur caprice en cela s’est
monstré bien extreme, de ne pouuoir souffrir vn nom dont ils ont bien
souffert la puissance. Comme si les consuls & les Dictateurs eussent mieux
valu que des Rois, ils ont voulu nommer leurs Rois, Consuls & Dictateurs.
Car enfin qu’estoit tout leur gouuernement qu’vne Royauté diuisée ;
qui n’en estoit pas moins Souueraine pour estre moins durable, mais qui en
estoit seulement plus pernicieuse. Ceux qui n’ont point voulu ioüer tant
de feinte, ont appellé du nom de Roy leurs Conducteurs : Et ce nom a
tousiours donné tant d’amour aux peuples, que les hommes qui l’ont porté
en ont esté considerez comme des Dieux.



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