Anonyme [1649], LE VRAY POLYTIQVE OV L’HOMME D’ESTAT DES-INTERESSÉ AV ROY LOVYS XIV. SVRNOMMÉ DE DIEV-DONNÉ. , françaisRéférence RIM : M0_4073. Cote locale : A_5_94.
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peut-estre condamné pour vne inconsideration precipitée, si nous
n’eussions bien sçeu, que la valleur d’vn si grand Prince, & le
iugement & la sage conduite d’vn si rare Ministre d’Estat,
estoient capables de surmonter encore des choses plus difficiles.

 

Ce ne fut pas assez que d’auoir à force ouuerte, forcé le Pas de
Suze, conquis Pignetol, secouru Casal & Mantouë, il fallut reuenir
en France, trauailler à d’autres nouuelles victoires. Mais
comme l’on vid tant de preparatifs pour vne guerre estrangere, la
faction Espagnole se douta bien que ce torrent deuoit estendre sa
fureur sur elle. Pour empescher de si beaux desseins, il s’éleua
contre le grand Cardinal dont ie parle, vn certain gente d’hommes,
que sa reputation, & son authorité ne laissoient point dormir,
qui firent vne longue traisnée d’intrigues iusques dans les cabinets
du Louure pour oster à son Monarque, ce digne Ministre
d’Estat, par l’entremise mesme d’vne grande Reyne sa mere, & vostre
ayeule, qui luy auoit donné. Si leur mauuais dessein eut produit
des loix dans l’esprit de cette sage, & vertueuse Princesse,
vn effet conforme à leur desir, le Roy eust pû iuger en suitte quel
preiudice & quel dommage sa Maiesté en eust receu, & possible
que la Rochelle pouuoit deuenir la retraite des Anglois, & Casal
la proye des Espagnols. Ie ne veux pas nier que cette valleur, à
qui la faueur diuine sembloit auoir associé la victoire en la personne
de ce grand, & iuste Roy, n’eut pû venir à bout des vns &
des autres sans son Ministre. Si sa Maiesté l’eut entrepris, ce seroit
vn blaspheme que de le penser autrement. Mais il se peut faire,
Sire, que d’autres portans sa Maiesté à d’autres desseins, luy eussent
laissé perdre vne occasion qui ne fut possible iamais reuenuë. La
retrogradation d’vn seul astre altere toute vne influence du Ciel, &
Dieu mesme n’exerce icy bas sa puissance ordinaire, que par la
concurrence, & selon la disposition des causes secondes dont il
se sert.

La mauuaise destinée de la Chrestienté ayant permis que le feu
Roy vostre pere, Sire, rompit auec le Roy d’Espagne, qui doute
que l’assistance d’vn si genereux, & si fidelle Maistre ne luy fust
plus vtile que iamais ? I’ay fait souuuent en moy-mesme la comparaison
de ces deux peuples, qui tiennent auiourd’huy sous vostre
Maiesté Tres-Chrestienne, & sous sa Maiesté Catholique,
tout le reste de l’Europe en balance. Apres auoir soigneusement
consideré, ce qu’ils peuuent auoir de plus ou de moins l’vn que
l’autre pour se maintenir, ou pour s’accroistre, ie trouue que la
force des armes, & la prudence des conseils estans les deux piuots,
sur qui tourne la durée & la grandeur des Estats, comme



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