Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D’VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. Tenuë Sainct Germain en Laye deux iours consecutifs. PREMIERE IOVRNEE. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : C_5_28.
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d’Angleterre. Car si j’entends l’interest de la France ou de l’Espagne, c’est
que les Isle Britanniques soient tousiours occupées entr’elles, afin qu’elles
ne puissent prendre party, & arrester les progrés de l’vne ou de l’autre, pour
faire la balance égale entre ces deux Couronnes, cõme nous disions tantost.

 

Le Card. Vous me parlez là d’vne affaire dont ie vous puis dire des nouuelles,
comme en ayant esté le principal Acteur.

Le Casuiste. Hé, Monseigneur, de grace faites m’en l’histoire.

Le Card. Ie vous la diray en deux mots. Tout le sujet & principal but
que feu Monseigneur le Cardinal d’heureuse memoire, & moy eussions
dans cette affaire-là estoit, que nous voulions mettre le feu par tout, &
nous venger de l’affront que le Roy d’Angleterre nous auoit fait en receuant
la feuë Reyne Mere, Monsieur de Vendosme, Monsieur de la Vieuuille,
Monsieur d’Espernon, Monsieur le President Cogneux, Madame de
Chevreuse & plusieurs autres, nos ennemis iurez, & que nous voulions
poursuiure iusques aux Antipodes, comme nous auons fait à Bruxelles,
dont nous les auons chassez, en Angleterre, en Hollande, & enfin à Cologne,
dont nous fismes rauager le païs circonuoisin, si-tost que la Reyne
Mere y fut, pour attirer sur elle la haine de tous les peuples, qui ne se
voyoient malheureux que pour l’auoir receuë ; Mais la passion m’emporte ;
nous fusmes trop indulgents, & ne deuions rien espargner pour faire
donner la mort à tous ces ennemis là, ils ne seroient pas auiourd’huy dans
le pouuoir de me nuire. Vn Duc de Vendosme par vn fils qui me trouue
indigne de sa main, & iure qu’il me veut voir perir par la main d’vn bourreau ;
Vn President Cogneux, qui donne de sanglants Arrests auec ses Confreres
contre moy, & iure qu’il fera en sorte, que les Cardinaux n’exileront
plus les Presidents au mortier.

Le Casuiste. Monseigneur, vous vous emportez. I’ay peur que cela ne
vous fasse mal. Il ne faut rien dans les apprehensions où vous estes, pour
vous trousser. La crainte, la vengeance, le despit, la colere, & le conflict
de toutes ces passions font vn grand rauage dans vne ame, il faut que vous
l’ayez bien forte pour subsister en vie auec tout cela.

Le Card. Ie me suis vn peu emporté, mais que voulez-vous ? C’est que ie
sens à present la pesanteur des fautes que j’ay commises, dont celle-là n’est
pas la plus legere : mais où en estions-nous de nostre Histoire ?

Le Casuiste. Vous parliez du sujet qui vous auoit porté à allumer la guerre
en Angleterre, mais ie ne veux pas vous le repeter, cela vous pourroit encore
esmouuoir. Faites-moy la grace seulement de me dire, comment vous
eschauffastes ces esprits morfondus du Septentrion.

Le Card. Auec le feu de Promethée ; par le moyen de la Religion. Comme
j’auois grand credit en la Cour de Rome, Monsieur le Cardinal me laissa
manier cette affaire-là. Ie fis entendre au Pape qu’il y auoit grand iour
de restablir la Religion Catholique en Angleterre, & que j’auois disposé la
France à y trauailler. Sa Sainteté m’en sçeut tres-bon gré. Ie luy fis dire qu’il
y falloit enuoyer vn Nonce, & bien payer les pensionnaires qu’il y auoit, &
faire mesme en sorte par les Ambassadeurs du Roy Catholique, que les



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