Anonyme [1649], APOLOGIE OV DEFFENCE DV CARDINAL MAZARIN. TRADVITE OV IMITEE DE l’Italien de L. , françaisRéférence RIM : M0_117. Cote locale : A_2_5.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 4 --

mais comme ie n’ay iamais eu aucune teinture des bonnes lettres, i’ay
tousiours apprehendé de perdre en mettant mon ignorance au iour cette
reputation d’esprit, dont ma bonne fortune auoit pipé les opinions du
vulgaire.

 

Enfin me sentant tous les iours picqué iusques au sang, i’ay creu qu’à
moins que de crier l’on adioust eroit la qualité de ladre à toutes mes autres
Epithetes : Et comme vne boule à trauers d’vn ieu de quilles, ie me
suis emancipé sans considerer dauantage de raporter à quelque ordre
les principaux chefs, des accusations de mes aduersaires, pour les renuerser
en suitte par de meilleures repliques que mon esprit pourra fournir à
mon innocence.

Bien que ces inuectiues & ces reproches soient en si grand nombre,
que ie pourrois estre accablé sous le faix des volumes qui les contiennent
les plus considerables toutefois attaquent ma Patrie, mon extraction, ma
naissance, mon education, les actions de ma ieunesse, mon introduction
dans la France, & la conduite de mon Ministere, à toutes lesquelles ie
pretens repondre en particulier, & l’vn apres l’autre,

Ie ne sçay dequoy ceux qui m’accusent d’estre Espagnol, peuuent appuyer
leur calomnie, veu que l’on sçait que la Scicile, où i’ay receu le
iour, n’est tout au plus que la moindre lisiere de l’Espagne, & quand mesme
les Sciciliens seroient necessairement Espagnols, ie pourrois estre
excepté de cette regle generalle, puis que ie n’ayme point l’ougnon, qui
fait les délices des plus frians de cette Nation.

Quelques-vns en me disant fils d’vn Chapellier, d’autres d’vn vendeur
de Chapellets & d’Almanacs, & la plus part d’vn Marchand banqueroutier
& cessionnaire, pretendent de me faire vne iniure irreparable, mais
quand ie serois obligé de ma naissance à quelqu’vne de ces illustres personnes,
ou quand mesme i’aurois autant de peres qu’il y a d’opinions differentes
sur ce sujet, se doit-on estonner, ou plutost ne doit-on pas tenir
pour vne maxime naturelle que pour faire vn grand homme il faut que
beaucoup de petits y contribuent, & que deuant estre vn second colosse
du Soleil, il falloit quantité d’artisans & d’ouuriers pour me former &
m’esleuer en vn estat si releué.

C’est ce qu’auoit siguré bien auparauant la mort eminente d’vn de mes
ancestres, qui souffrant persecutiõ pour la iustice, escalada le Ciel, & fit son
tombeau d’vne potence : il auoit peut-estre entẽdu dire que l’iniquité des
peres estoit punie sur les enfans iusques à la troisiesme generation, c’est ce
qui le fit resoudre d’expier quelques crimes legers par ce genre de supplice,
de peur que n’estant desia que trop chargé de mes debtes, ie ne fusse
encore obligé de satisfaire pour luy. Cette action me semble si genereuse
que bien qu’il ont este Palefrenier & voleur domestique, ma genealogie
n’en peut estre que tres honorée.

Mais qu’est-il besoin de deterrer les morts pour tirer des auantages de
la bassesse de mon extraction, qu’est il besoin d’épiloguer toutes les actions



page précédent(e)

page suivant(e)