Anonyme [1650], ADVIS AVX PARTISANS, MALTOTIERS, MONOPOLEVRS ET Fermiers de ce Royaume, trouué dans le Cabinet de d’Emery apres sa mort. , françaisRéférence RIM : M0_493. Cote locale : A_9_30.
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nuit, qui donne le repos aux hommes, n’auoit pour
eux que des chagrins, & des soucis, qui les rongeoient
comme le ver fait dans vn coffre les habits, & les
forçoient de veiller presque incessamment : & ce
qui a esté inoüy aux siecles precedens, au lieu que
cette Iliade de miseres deuoit émouuoir ces gens de
sac, & de cordes à commiseration, elle les a réjoüy, &
excité à les trauailler encore plus, afin qu’ils fussẽt consommez
de langueur, comme l’herbe des prez que
le Soleil a fanée, ils auoient leur peau flestrie, & leur
visage blesme, témoignans qu’ils n’auoient plus de
sang dans leurs veines, ni de vie en leur cœur, &
leurs membres estoient aussi defigurez, & secs que
squeletes. Voila comme ils ont traité depuis plusieurs
années mille & mille, & mille François, qu’ils ont
moins estimé que les bouchers ne font les bœufs, &
les moutons qu’ils tuënt pour vendre à la boucherie.
Nonobstant tout cela, leurs festins ne cedoient en
magnificence à ceux d’vn Lucullus, parfois en impureté
à ceux d’vn Tybere, puis qu’ils y pratiquoient
des impudicitez capables de faire rougir les tenebres
qui leurs seruoient de voile. Aussi à vray dire leur chair
estoit comme la chair des asnes (dediez à Priape
Dieu des Iardins) leur flux comme le flux des cheuaux
y nageans dans le vin, la chair cuite (& cruë)
leur chaleur faisoit aisémẽt cõnoistre qu’on ne s’y taisoit
pas, ainsi qu’au banquet des sacrifices d’Oreste :
mais la confusion des langues, & du babil y regnoit
en si haut appareil, qu’elle n’en deuoit rien à celle de
la tour de Babel, y traitans des moyens plus commodes


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