Anonyme [1649 [?]], DIVERSES PIECES DE CE QVI S’EST PASSÉ A S. GERMAIN EN LAYE, Le vingt-troisiéme Ianvier 1649. & suiuans. , françaisRéférence RIM : M0_1160. Cote locale : E_1_110.
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vous a donné le change (mes chers Parisiens) & a
mis en jeu le Cardinal, dont il n’estoit nullement question,
vous faisant à croire que c’est luy qui vous affame, & que
tous ces mouvemens-cy ne sont excitez que pour son interest,
& par son caprice : mais ne vous appercevez-vous
point, pauvres abusez, que cette cause là mesme ne seroit
pas plus plausible, ny meilleure à soustenir que l’autre.

 

Ie n’entreprens point icy de deffendre le Cardinal ; supposons
mesme que sa conduite ne soit pas bonne, qu’il soit
noircy de plus de crimes que ne disent tous nos Libelles,
qu’il soit vn perfide, vn violent, vn interessé, qu’il ait fait
envahir le tiers de la France par les Espagnols, que ses services
soient autãt de trahisons : Mais en quel endroit de ses
Registres le Parlement trouvera t’il qu’il puisse prescrire à
son Roy le choix de ses Ministres ? Quelles loix du Royaume,
ou quel vsage luy donnẽt l’auctorité d’obliger le Souverain
à les éloigner, quãd ils ne luy sont pas agreables ? Quel
droit a le Parlement, n’estant institué que pour rendre la
justice aux particuliers, de mettre la main au gouvernement
de l’Estat ? Sommes nous en quelque Republique,
& le Roy n’est-il plus que nostre Doge ? S’il faut changer
le Ministere, n’est-ce pas à la Reine, conseillée par le Duc
d’Orleans & par le Prince de Condé, à le faire, & non pas
au Parlement ?

Le Roy voyant que le Parlement attaque son Authorité
& met tout en confusion, luy commande de sortir de Paris,
le Parlement refuse d’obeir à son Maistre, & ordonne
vn Arrest, que le Cardinal, sur qui il n’a point de pouuoir,
sortira du Royaume.

Si le Cardinal estoit Ministre du Parlement, il pourroit
le chasser ; mais pour chasser le domestique d’vn autre, il
me semble que la bien seance, la coustume & la raison,
veulent que nous nous adressions à son Maistre, autrement
il est inutile & mesme ridicule de luy donner congé, & à
plus forte raison, si ce Maistre là est aussi bien le nostre que
le sien.

Le Parlement n’enseigne pas fort l’obeissance. Peut-il



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